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Stephane.
L’acquéreur de deux mètres cube de béton qu’il avait commandés pour réaliser dans le jardin de son domicile personnel un bassin à poissons avait entrepris l’étalement du matériau en ayant pris la précaution de mettre des gants et des bottes. Or, au bout d’une heure, il constata que ses jambes présentaient d’importantes lésions cutanées et un saignement généralisé. A l’hôpital auprès duquel il fut immédiatement conduit, furent diagnostiquées des brûlures sévères (2ème et 3ème degré). Aussi bien a-t-il ensuite assigné la société ayant fourni le béton, sur le terrain de la responsabilité du fait d’un produit défectueux. Par un arrêt de sa première chambre civile en date du 7 novembre dernier (n° S 05-11.604), à paraître au Bulletin, la Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir retenu la responsab ilité du fournisseur, mettant en avant l’insuffisance d’une information sur les documents contractuels qui n’attiraient en rien l’attention du client sur la nécessité de porter des couvre-bottes et des vêtements de protection imperméables à l’eau pour éviter tout contact avec la peau, si bien que le produit était dépourvu de la sécurité à laquelle le client pouvait légitimement s’attendre. En outre, l’arrêt retient que l’heure pendant laquelle le client avait conservé son pantalon mouillé ne caractérisait pas en l’espèce la faute exonératoire de l’article 1386-13 du Code civil.
Morgane
Voici l'exposé de Constance et moi sur la notion de défaut en responsabilité du fait des produits défectueux.

Thème 5 : La responsabilité du fait des produits défectueux



LA NOTION DE DEFAUT




Introduction:


Comme le constatent Messieurs Malaurie et Aynès: « La civilisation industrielle et le développement du commerce ont fait apparaître un nouveau fléau social : le défaut de sécurité des produits ». En effet, La victime du défaut d’un produit s’avérait mal protégée par les règles ordinaires de la responsabilité civile.
Jusqu’à la loi n°98-389 du 19 mai 1998, il n’existait pas en droit français de textes régissant spécifiquement la responsabilité du fait des produis défectueux. La loi n° 83-660 du 21 juillet 1983, dite loi Lalumière (C.consom., art. L. 221-1et s.), ne concerne en effet que la prévention des dommages causés par les produits pour assurer la sécurité des consommateurs.
La responsabilité des dommages causés par des produits défectueux relevait donc des seules règles du droit commun. Il en résultait un régime fort complexe, car il fallait tenir compte de la distinction fondamentale entre la responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle, selon qu’un rapport contractuel existait ou non entre le responsable et la victime. En conséquence, plusieurs types de dispositions étaient susceptibles de s’appliquer. Dans le domaine contractuel, la victime pouvait, notamment, agir sur le fondement du droit de la vente et plus particulièrement de la garantie des vices cachés (C.civ., art.1641 et s). Lorsque aucun lien contractuel ne pouvait être invoqué, la victime devait nécessairement agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle et quasi délictuelle et devait démontrer la faute du vendeur professionnel ce qui était difficile. Elle pouvait invoquer soit la responsabilité pour faute du fabricant ou du fournisseur, soit la responsabilité du fait des choses en faisant jouer la distinction entre garde de la structure et garde du comportement (ex : bouteille de gaz explose le gardien= le transporteur ou le fabricant ?) ce qui était compliqué. La dualité des ordres de responsabilité créait inévitablement des disparités de traitement entre les victimes, notamment sur le plan de la preuve à rapporter et des délais de prescription.
C’est dans ce contexte qu’est intervenue la Directive européenne n°85/374 CEE du 25 juillet 1985 relative au « rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ». Elle avait pour objet d’instituer une harmonisation des législations des différents Etats membres, en imposant un minimum commun de protection des victimes, et s’inspirait en fait des principes déjà élaborés par la Convention de Strasbourg du 21 janvier 1977 relative à la responsabilité du fait des produits en cas de lésions corporelles ou de décès. La loi n°98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produis défectueux a réalisé la transposition dans notre droit interne des principes posés par la Directive. Ses dispositions ont été insérées dans le Code Civil, sous un titre IV intitulé : « De la responsabilité du fait des produits défectueux », aux articles 1386-1 à 1386-18.
Conformément aux dispositions de la Directive, la loi du 19 mai 1998 institue une responsabilité de plein droit des producteurs et des fournisseurs pour les dommages causés par un défaut de leurs produits, sous réserve de certaines causes d’exonération. C’est une responsabilité qui pèse sur le professionnel, indépendamment de toute recherche de la faute. Il s’agit donc d’une responsabilité pour risque et c’est également une responsabilité d’ordre public. L’article 1386-15 du Code civil précise en effet, que les clauses visant à écarter ou à limiter la responsabilité du fait des produits défectueux sont interdites ou réputées non écrites. Enfin, cette responsabilité transcende la distinction traditionnelle entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle : elle s’applique indépendamment du fait qu’un contrat ait été ou non conclu avec la victime. Ce régime de responsabilité n’est pas exclusif. Il laisse subsister certaines actions existantes au profit de la victime (1386-18). La victime n’a qu’à prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage pour engager la responsabilité du producteur (1386-9). Ainsi, le défaut apparaît comme « la clef de voûte de la loi ».
Cependant, cette transposition est intervenue avec beaucoup de retard. La Directive avait en effet imposé aux Etats membres de se conformer à ses dispositions avant la date ultime du 30 juillet 1988. La France a d’ailleurs fait l’objet d’une condamnation en raison de ce retard par la Cour de justice des Communautés européennes le 13 janvier 1993. Ce retard s’expliquait en partie, par la difficulté de réaliser un consensus entre les associations de consommateurs et les représentants des assureurs et des entreprises sur un certain nombre de point (notamment sur la question de l’exonération du producteur pour risque de développement).
Plusieurs projets avaient pourtant été élaborés. Un premier avant-projet avait été réalisé dès juillet 1987 sous la direction du Professeur J. Ghestin qui allait au-delà des intentions de la Directive en proposant une véritable refonte du droit de la vente et de la responsabilité contractuelle du fait des produits. Ce projet prévoyait l’intégration des dispositions nouvelles dans le Code civil, ce que le législateur a réalisé. Mais ce projet a été abandonné par la suite. Un autre projet de loi avait été déposé par la suite en mai 1990. Il instituait un régime exclusif de responsabilité du fabricant, excluant toute possibilité de recourir aux actions de droit commun. Mais ce projet fut lui aussi abandonné et ce fut finalement une proposition de loi déposée par Madame Catala le 13 juillet 1993 qui devait être adoptée le 19 mai 1998, après discussion au sein d’une commission mixte paritaire.
Toutefois, comme la transposition de la Directive a été longue et houleuse, la jurisprudence, elle, a anticipé son application et notamment en ce qui concerne la définition de la notion de défaut. Elle a joué un véritable rôle de « force créatrice du droit » (G. Ripert).
Il est donc nécessaire d’étudier, dans un premier temps, la définition légale du défaut (I) avant de voir, dans un second temps, l’apport de la jurisprudence à la notion de défaut en responsabilité du fait des produits défectueux (II).















I La définition légale du défaut :

La définition du produit défectueux est donnée par l’article 1386-4 du Code civil :
« Un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.
Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.
Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation. ».
L’alinéa 1er indique d’emblée les deux éléments caractérisant le produit défectueux, un élément objectif : le produit défectueux est un produit comportant un défaut de sécurité (A) ; un élément subjectif : cette sécurité défaillante est celle à laquelle on pouvait légitimement s’attendre (B).

A L’élément objectif: le défaut de sécurité

Il est nécessaire de bien délimiter le champ d’application du défaut (1°) avant de voir dans quels cas le défaut n’engage pas la responsabilité du producteur (2°).

1° Le champ d’application de la notion de défaut

Le mot défaut est ambigu car il évoque celui de vice et plus précisément de vice caché rendant la chose impropre à sa destination. Habituellement, lorsque l’on parle de produits défectueux, c’est l’idée d’imperfection, de malfaçon, de vice de fabrication ou de conception qui vient à l’esprit. Les textes relatifs à ce qu’on appelle « la garantie des vices cachés » figurent dans un paragraphe du Code civil intitulé « De la garantie des défauts cachés de la chose vendue ». On pourrait donc croire que la loi de 1998 n’apporte rien aux différents mécanismes qui existaient déjà afin de réparer les dommages causés par des produits défectueux.
Or, dans la loi nouvelle, le produit peut être défectueux alors même qu’il ne présenterait aucun vice !
Certes, le produit peut être vicié en lui-même comme par exemple une disquette contenant un logiciel infecté d’un virus qui contamine tout le système informatique de l’acheteur.
Mais la loi s’applique alors même que le produit ne serait en rien vicié et serait parfaitement apte à l’usage auquel il est destiné.
Le produit peut être défectueux au sens des articles 1386-1 et 1386-4 s’il ne présente pas une sécurité suffisante, indépendamment de tout vice interne.
Le défaut est donc ici une insuffisance de sécurité. Cette insuffisance peut être un défaut de fabrication mais pas nécessairement. Le défaut est pris au sens de défaut de sécurité.
Ainsi, le terme de sécurité dissipe l’équivoque. Le défaut susceptible d’engager la responsabilité du producteur est seulement celui qui compromet la sécurité de l’utilisateur du produit.
Par sécurité, on entend :
- sa sécurité physique : CA de Toulouse 7 novembre 2000 pour le défaut d’étanchéité d’un pneu ayant éclaté; CA de Nancy 8 avril 2003 pour un portail coulissant qui, en sortant de son rail, blessa le fils de l’acheteur.
- Eventuellement sa sécurité mentale : c’est l’exemple des jeux vidéos proposés aux enfants.

Toutefois, le défaut déterminant l’application de la loi du 19 mai 1998 ne découle pas ipso facto du caractère dangereux du produit. En effet, un produit peut être dangereux sans pour autant présenter un défaut de sécurité.
Il y a des produits qui sont dangereux par leur nature même. Il ne s’agit pas d’interdire toute fabrication et distribution de produits dangereux car certains sont indispensables (tondeuses à gazon, couteaux, acides…) mais leur producteur doit veiller à ce qu’ils offrent la sécurité à laquelle on peut s’attendre.
La Directive de 1985 est très claire à cet égard dans son considérant numéro 6 : « Considérant que pour protéger l’intégrité physique et les biens du consommateur, la détermination du caractère défectueux d’un produit doit se faire en fonction non pas de l’inaptitude du produit à l’usage, mais du défaut de sécurité à laquelle le grand public peut légitimement s’attendre ».
Exemple : une tondeuse à gazon autoportée, elle coupe très bien le gazon et coupe aussi bien le pied du conducteur s’il le met sous la lame. On pourrait y voir un défaut du produit faute pour le fabricant d’avoir installé un dispositif de sécurité…Le défaut devra dans ce cas résulter par exemple d’un défaut d’information sur les risques liés à l’utilisation du produit ou à sa consommation abusive, ou bien de l’insuffisance des systèmes de sécurité mis en place, etc.
Ce défaut n’est pas non plus celui qui compromet l’utilité du bien.
Ce défaut ne se confond pas non plus avec la non-conformité de ce produit constituant le manquement à l’obligation de délivrance du vendeur (Ex : CA de Paris, 14 septembre 2001 : défauts d’une imprimante ne portant pas atteinte à la sécurité).
Autrement dit, peu importe que le produit ait ou non les performances convenues : cet aspect relève de l’action résolutoire pour défaut de conformité ou en garantie contre les vices cachés.
De ce fait, il importe peu que les causes exactes du sinistre (explosion de la vitre d’un insert de cheminée) ne soient pas établies, dès lors que le demandeur établit que le produit n’offre pas une sécurité normale.
C’est sur le producteur que pèse la charge de la preuve d’une cause exonératoire ou de la faute de l’utilisateur (Ex : TGI Aix-en-Provence 2 octobre 2001).
Ce qui compte, ce sont les dommages que le produit est susceptible de causer à la personne ou aux biens de son utilisateur. Encore faut-il préciser comment doivent être appréciées ces potentialités de danger. A cela le Code Civil répond en complétant la définition du défaut de sécurité par référence à l’attente légitime de l’utilisateur du produit.
Toutefois, dans certaines hypothèses le défaut de sécurité du produit n’engage pas la responsabilité du producteur.

2° Les défauts écartés par exception

Le principe est que le défaut, tel qu'il a été défini, entraîne la responsabilité du producteur.
Néanmoins, toute l'attention est portée sur deux cas particuliers dans lesquels le défaut constaté n'est pas facteur de responsabilité. Ces cas particuliers sont énumérés à l’article 1386-11 du Code Civil.
Ainsi, ne peut être tenu pour responsable le producteur qui prouve qu’au moment où il a mis le produit en circulation, l'état des connaissances scientifiques et techniques ne lui a pas permis de déceler l'existence du défaut (1386-11 4°). C'est l'exonération pour risque de développement.
Cette limitation s'applique également au cas où le défaut existe mais il est dû à la conformité du produit aux règles impératives (1386-11 5°).

La première hypothèse, est celle du risque de développement. Il s’agit de savoir si un défaut peut être retenu contre le producteur alors que l’état des connaissances techniques et scientifiques au moment où le produit a été mis en circulation ne lui permettait pas de déceler le défaut.
La Cour de Justice des Communautés européennes dans un arrêt du 29 mai 1997 a fixé des contours assez stricts à cette cause d’exonération. C’est le niveau le plus avancé des connaissances qu’il faut prendre en compte, et sans se limiter au secteur industriel particulier dans lequel opère le producteur précis qui invoque le risque de développement et encore moins aux seules connaissances particulières de ce producteur.
En bref, il s’agit de l’état objectif des connaissances scientifiques et techniques accessibles au moment de la mise en circulation. Lors de la transposition de la Directive, la très grande majorité des Etats ont retenu cette cause d’exonération. La question a été très controversée lors des travaux parlementaires :

-contre l’exonération, on a fait valoir que cette exception présenterait un recul de la protection des victimes et que le coût de l’assurance pouvait être répercuté sur le prix des produits.

-en faveur de l’exonération, on a mis en avant le déséquilibre qui s’ensuivrait dans la transposition de la Directive alors qu’elle vise à trouver un compromis entre les intérêts de l’industrie et ceux des victimes. De plus, si on n’admettait pas cette exonération, les producteurs français seraient défavorisés par rapport au reste des pays européens qui eux ont retenu cette cause d’exonération.

De ce fait, lors de la transposition de la Directive, la France a admis la cause d’exonération du risque de développement en y posant une seule limite pour le « dommage causé par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci » (article 1386-12), exception sans doute liée à l’affaire du sang contaminé. Ces produits présentent, en effet, en raison de leur origine, de leur nature et de leur destination des risques particuliers. Pour autant, d’autres produits que les produits sanguins peuvent être aussi dangereux comme les aliments qui peuvent être, par exemple, porteurs de la maladie de la vache folle.

La seconde hypothèse est celle où l’insuffisance de sécurité est la conséquence du respect de règles que le pouvoir législatif ou réglementaire avait impérativement fixées au producteur, règles peut-être mal conçues au départ ou qui n’ont pas été mises à jour par leur auteur.
En ce cas la loi décharge expressément le producteur de toute responsabilité : elle fait ainsi jouer au fait du prince un rôle exonératoire (article 1386-11, 5°).
Mais le producteur ne peut se désintéresser totalement de la question de la sécurité car la loi le charge d’une obligation de suivi : si le défaut se révèle dans les dix ans de la mise en circulation, il doit prendre des dispositions pour en prévenir les conséquences dommageables, faute de quoi le fait du prince se trouve dépouillé de tout caractère exonératoire.
Il en va différemment lorsque le produit a seulement été fabriqué dans le respect des règles de l’art ou de normes existantes sans valeur impérative, législative ou réglementaire ou bien qu’il a fait l’objet d’une autorisation administrative (article 1386-10).
En effet, cela n’exclut pas automatiquement qu’un défaut de sécurité soit tout de même éventuellement retenu à la charge du producteur, qui n’était pas légalement obligé de s’en tenir à ces normes et pouvait s’en écarter pour atteindre plus de sécurité. La Cour de Cassation avait déjà pris position en ce sens en décidant que le respect des normes administratives ne pouvait exonérer le fabricant (Cass. 1er civ. 27 janv. 1998).


B L’élément subjectif: l’attente légitime de l’utilisateur du produit

Il s’agit de définir précisément la notion d’attente légitime (1°) avant de comprendre comment interpréter cette notion (2°).

1° Définition de la notion « d’attente légitime »

Il ne suffit pas d’un quelconque défaut de sécurité pour engager la responsabilité du producteur car alors, sous réserve de la force majeure, la seule survenance d’un dommage suffirait à engager la responsabilité du producteur. La solution risquerait fort de conduire au retrait du marché de tout produit comportant la plus infime possibilité de danger. Dès lors, un produit n’est défectueux que s’ « il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre » selon l’article 1386-4 du Code Civil.

L’expression n’est pas inédite : elle figurait déjà dans l’article L.221-1 du Code de la consommation (loi du 21 juillet 1983 sur la sécurité des consommateurs) qui dispose que : « Les produits et les services doivent, dans des conditions normales d’utilisation ou dans d’autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes ». A cet égard, la loi du 19 mai 1998 ajouta un volet correctif aux dispositions préventives de l’article L.221-1 du Code de la consommation. Il est donc possible de se référer à l’application de ce texte pour éclairer le sens de l’article 1386-4 du Code Civil.
Le dispositif législatif en matière de sécurité est donc assez complet :
- d’une part l’article L.221-1 du Code de la consommation organise une prévention de type réglementaire, car ce texte fournit la base à partir de laquelle des décrets en Conseil d’Etat peuvent interdire ou réglementer les produits ne satisfaisant pas à cette obligation générale de sécurité. C’est ainsi qu’un certain nombre de décrets ont déjà été pris, par exemple sur les jouets, les articles de puériculture, les inserts de cheminée….
- d’autre part, le Code civil permet de retenir la responsabilité civile du producteur et des personnes assimilées, qui ont fabriqué, vendu ou loué des produits ne présentant pas la sécurité légitimement attendue. Les nouvelles dispositions poursuivent bien entendu un objectif de réparation des dommages ; mais l’objectif ne se limite pas à cela : comme toujours, la responsabilité civile joue également un certain rôle de prévention, puisque, par la menace qu’elle représente, elle incite les producteurs à conférer le maximum de sécurité à leurs produits.
En dehors de son application précise par le Code Civil, cette idée d’attente légitime est intéressante et semble pouvoir être transposée plus largement, en ce sens que tout contractant face à un professionnel a des attentes légitimes, que celui-ci ne doit pas décevoir. La sécurité « à laquelle on peut légitimement s’attendre » est une norme juridique de comportement.

2° L’interprétation de la notion « d’attente légitime »

Le caractère défectueux du produit relève de l’appréciation des juges. Le législateur a réduit les marges d’interprétation par la rédaction qu’il a donné à l’article 1386-4 alinéa 1er du Code Civil. Cela est clair pour l’emploi du pronom « on ». Il signifie que l’attente légitime de l’utilisateur du produit ne doit pas être appréciée in concreto, mais in abstracto.
Le juge saisi de la demande doit prendre en considération, non pas l’attente particulière de l’utilisateur du produit dommageable, attente éminemment variable selon l’instruction, l’âge, le sexe, les lubies ou les phobies de cet utilisateur, mais l’attente commune d’un utilisateur moyen sans doute apparenté au traditionnel bon père de famille ou, plus souvent, au « bon consommateur », en définitive le « grand public », expression déjà employée par la Directive au considérant 6.
L’article 1386-4, dans ses alinéas 2 et 3 donne des indications sur les éléments à prendre en compte pour apprécier le défaut de sécurité du produit. Il serait, en effet, sans doute excessif, de considérer, comme le fait G. Viney, que le critère réside dans « le caractère anormalement dangereux du produit ».
En effet, l’alinéa 2 de l’article 1386-4 invite à nuancer en indiquant que « Dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte (sous-entendu par le juge) de toutes les circonstances et, notamment, de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ».
L’alinéa 3 ajoute qu’ « un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu’un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation ».
Cela signifie que la seule obsolescence d’un produit ne suffit pas à établir le défaut de sécurité, comme le prévoyait déjà la Directive. Ces indications confirment que le défaut du produit doit être compris de façon large.
Il ne s’agit pas seulement d’un défaut de conception ou de fabrication. Un produit peut se révéler défectueux au regard de la sécurité en raison d’autres circonstances. Son défaut peut résulter en particulier de sa présentation. Cela englobe les modalités d’emballage, les conditions d’utilisation et les contre-indications, signalées dans les notices d’utilisation et sur l’emballage, les systèmes de sécurité mis en place, etc.
L’obligation faite au producteur d’assurer la sécurité de ses produits est cependant tempérée en fonction de deux éléments.
D’une part, il doit être tenu compte de l’usage « qui peut être raisonnablement attendu » du produit. Le producteur n’a donc pas l’obligation de garantir la sécurité en toutes circonstances ; il n’est pas tenu de prévoir toutes les éventualités, y compris les plus incongrues ! Son devoir de précaution se limite à ce qui est normalement prévisible.
D’autre part, l’appréciation du défaut doit se faire en tenant compte du « moment de la mise en circulation » du produit. C’est donc en se plaçant au moment de la mise en circulation qu’il faut apprécier le défaut de sécurité.
La solution s’impose avec la force de l’évidence : la loi impose au producteur une obligation de ne pas mettre en circulation des produits présentant des défauts de sécurité, mais en fonction des moyens techniques du moment : il ne saurait en être autrement, sauf à paralyser toute initiative. La même solution vaut pour la garantie des vices cachés : le vendeur répond des seules vices qui existaient au moment de la vente. La solution est de bon sens : un producteur ne doit pas être pénalisé « lorsqu’il perfectionne la sécurité de ses produits » (Ghestin). La solution contraire aboutirait au fâcheux résultat de dissuader du progrès technique.
En outre, l’article 1386-11, 2° exonère expressément le producteur lorsqu’il y a lieu d’estimer, compte tenu des circonstances, que le défaut ayant causé le dommage n’existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est apparu postérieurement.
C’est au producteur qu’incombe la charge de la preuve de la postériorité en vue de s’exonérer de sa responsabilité ce qui est favorable à la victime. En rendant le producteur responsable du dommage causé par une insuffisance de sécurité de son produit, la loi le charge nécessairement d’une obligation de sécurité.
Concrètement, il faut d’abord ne mettre en circulation que des produits ne présentant aucun vice et cette obligation est une obligation de résultat. Si le produit présente un vice, qui n’a pas été révélé à l’acheteur, et si ce vice est à l’origine d’un dommage, le défaut de sécurité est constitué.
Mais cela ne suffit pas. A supposer que le produit ne présente aucun vice, qu’il fonctionne parfaitement, encore faut-il prendre certaines mesures de sécurité si des risques peuvent se présenter lors de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu. Il peut s’agir :
- de mises en garde particulières : conseil d’aération de la pièce dans laquelle doit être utilisée une colle très forte aux émanations nocives. Il sera préférable de mentionner ces informations et mises en garde non seulement dans un mode d’emploi joint mais sur le produit dangereux lui-même ou son emballage.
- de mesures de sécurité matérielles : - par la mise au point d’emballage de sécurité qui ne peuvent pas être ouvert par de jeunes enfants et qui font naître chez l’adulte un réflexe de prudence.
- par des adaptations de sécurité sur le produit lui-même : trou de ventilation dans les bouchons de stylo à bille…
D’ailleurs, comme le fait remarquer M. Leveneur, les sécurités se développent de plus en plus et donc le grand public s’attend à ce qu’il y en ait de plus en plus ! Attention aux excès !
L’obligation de sécurité n’est pas exactement une obligation de résultat, du moins quant à ses produits viciés. Il n’est pas demandé au producteur de garantir qu’aucun dommage ne se produira jamais et de réparer tous ceux qui sont intervenus ; il lui est demandé de prendre les mesures de sécurité qui peuvent être légitimement attendues du grand public au moment de la mise en circulation du produit.
Ces mesures sont celles qui normalement doivent permettre d’éviter les dommages. Il faudra montrer que le producteur ne les a pas prises. Ainsi, d’un certain point de vue, l’obligation quant à la sécurité n’est que de moyens. Les précautions que doit prendre le professionnel ne sont relatives qu’aux risques qu’il connaissait ou pouvait connaître lors de la mise en circulation.
Ces règles sont particulièrement importantes à propos des médicaments. C’est l’exemple de l’arrêt de la CJCE du 10 mai 2001 « Veedfald » appelant la Cour de Cassation à décider que l’information donnée par un médecin sur le danger d’un médicament, d’un produit ou d’un appareil ne l’exonère pas de son obligation de sécurité de résultat.
Autrement dit, l’attente légitime d’un consommateur quant à la sécurité d’un produit qu’il utilise est une notion relative : elle est plus grande pour un médicament que pour une arme, pour une bouteille d’eau plate que pour une bonbonne de gaz.
Néanmoins, cette attente sera d’autant plus légitime que le produit aura été utilisé conformément à sa destination et que le consommateur l’aura utilisé comme il convenait de le faire. D’où l’importance de sa présentation et de son mode d’emploi. L’attente légitime présente également un caractère subjectif : l’appréciation in abstracto du défaut de sécurité n’exclut pas les considérations d’espèce.



TRANSITION:

Le pouvoir d’appréciation des juges paraît donc essentiel puisque c’est au vu de toutes les circonstances que le défaut devra apparaître et non pas à chaque fois qu’un dommage s’est produit.
Cela nous conduit à étudier, dans une deuxième partie, l’interprétation faite par la jurisprudence de la notion de défaut.




II L’interprétation jurisprudentielle du défaut :

La Cour de cassation n’a pas attendu la promulgation de la loi du 19 mai 1998 pour apprécier la responsabilité du fait des produits défectueux à la lumière de la directive européenne du 25 juillet 1985.
Ainsi, nous allons, dans un premier temps, présenter de quelle manière la Haute juridiction a réalisé une transposition anticipée de la directive (A), avant d’analyser, dans un deuxième temps, les difficultés pour les juges de cerner la notion de défaut en matière médicale (B).

A L’appréciation de la notion de défaut par référence à la directive européenne

La politique de la Cour de cassation consiste à favoriser l’indemnisation des victimes lorsqu’elles subissent un dommage du fait du défaut d’un produit.
C’est avec cet objectif que la Cour a transposé de manière anticipée la directive européenne. L’évolution de la jurisprudence de la Cour se caractérise par le passage d’une influence par la directive (1°) à une référence explicite à ce même texte (2°).

1° La découverte de l’obligation de sécurité par la jurisprudence

La Cour de cassation avait déjà mis à la charge du fabricant de produits dangereux une obligation d’information. Ainsi, un arrêt de la première chambre civile rendu en 1975, mettait à la charge du fabricant d’un engrais l’obligation d’informer les utilisateurs, même agriculteurs professionnels « de façon à ce que le produit ne présente aucun danger pour les récoltes ».
Mais la Haute juridiction va plus loin en admettant l’existence d’une véritable obligation de sécurité, à la charge du vendeur, dans un arrêt fameux rendu le 11 juin 1991 par sa première chambre civile.
En l’espèce, un couple acquiert un mobil-home auprès d’une société et le surlendemain, les acquéreurs sont retrouvés décédés dans leur véhicule. Leur décès, dû à une intoxication par le monoxyde de carbone, a été attribué, par l’expert, à une mauvaise conception du radiateur à gaz du véhicule et à une mauvaise ventilation.
Le vendeur est condamné à indemniser.
La Cour de cassation met à la charge de ce dernier une obligation de sécurité consistant « à ne livrer que des produits exempts de tout vice ou défaut de fabrication de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ».
Cette obligation fait directement référence à la notion de défaut.

Une autre célèbre application de cette obligation de sécurité est faite par un arrêt de la première chambre civile du 17 janvier 1995, il s’agit de l’affaire du cerceau brisé.
En l’espèce, une petite fille, alors qu’elle était à l’école, s’est crevée l’œil en jouant avec un cerceau.
Ici, l’inobservation de l’obligation de sécurité entraîne la responsabilité du vendeur professionnel à l’égard de la fillette. Il est donc responsable tant à l’égard de l’acquéreur, soit l’école en l’espèce, que du tiers, soit la petite fille du défaut de sécurité du produit.
On constate, dans cet arrêt, que la responsabilité est la même, quelle que soit la qualité de la victime, contractante ou non. L’influence de la directive européenne qui transcende la distinction entre responsabilité délictuelle et contractuelle est ici évidente.
Cette influence devient explicite dans les arrêts ultérieurs de la Cour.


2°Le défaut caractérisé par l’interprétation du droit interne à la lumière de la directive

Il nous faut ici évoquer deux arrêts de la première chambre civile rendus en 1998 dans lesquels l’influence de la directive est expressément avouée par la Cour.

Dans le premier arrêt du 3 mars 1998, il s’agit d’un médicament, présenté dans une enveloppe non digestible, qui a provoqué un abcès intestinal chez un patient.
La responsabilité du fabricant du médicament est retenue.
La Cour de cassation affirme que : « le fabricant est tenu de livrer un produit exempt de tout défaut de nature à causer un danger pour les personnes ou les biens, c’est à dire un produit qui offre la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ».
La Haute juridiction retient expressément la définition présente dans le considérant n°6 de la directive, relative à la notion de défaut.

Le second arrêt du 28 avril 1998 concernait du plasma lyophilisé qui avait provoqué la contamination par le VIH d’un patient transfusé.
Le visa de la Cour est explicite. La Haute juridiction précise qu’elle statue sur le fondement des textes de droit interne (1147 et 1384 ali.1) interprétés à la lumière de la directive du 25 juillet 1985, et souligne de nouveau que tout producteur est responsable des dommages causés par un défaut de son produit.

La Haute juridiction, en s’inspirant de la directive européenne pour apprécier la responsabilité du fait des produits défectueux a ainsi respecté l’obligation faite aux juges nationaux par la Cour de justice des Communautés européennes, en cas de retard dans la transposition des directives européennes, d’interpréter leur droit interne à la lumière du texte et de l’esprit des directives non transposées (CJCE, 13 nov. 1990, Marleasing).
Par ces interprétations, la Cour a appliqué de manière anticipée des principes présents dans la directive qui sont repris à l’identique au sein de la loi du 19 mai 1998 sur la responsabilité des produits défectueux.

La doctrine de la Cour de cassation apparaît rigoureuse quant à l’appréciation de la responsabilité des producteurs de produits à finalité sanitaire et plus précisément celle des producteurs de médicaments.
Il ont pour obligation de ne mettre sur le marché que des produits sans défaut.
L’appréciation par le juge de la défectuosité d’un produit en matière médicale apparaît être une question très délicate sur laquelle va maintenant se porter toute notre attention.

B La caractérisation du défaut du produit de santé

D’importantes décisions relatives à la responsabilité du fait des produits de santé défectueux ont été rendues au cours de ces trois dernières années et plus particulièrement depuis le début de l’année 2006.
En raison de la date des faits et donc de celle de la mise en circulation des produits, aucun arrêt rendu n’a eu à appliquer la loi du 19 mai 1998. Néanmoins, la Cour de cassation, à l’occasion de ces arrêts, a précisé les contours de la notion de défaut en insistant sur deux éléments : l’information (1°) et la juste estimation des risques (2°)




1° Le défaut de sécurité du produit peut résulter d’une information absente ou insuffisante.

L’importance de la prise en compte de la « présentation du produit » apparaît tant dans la définition du défaut, telle qu’elle résulte du considérant n°6 de la directive et de l’article 1386-4 du code civil, que dans la jurisprudence interprétant le droit national à la lumière de la directive.
Les médicaments entraînent souvent des effets secondaires indésirables susceptibles de constituer des défauts de sécurité.

Une information mettant en garde sur les risques de leur utilisation aura une incidence directe sur la sécurité attendue des consommateurs.
Ainsi, la notice a pour finalité fondamentale d’informer l’utilisateur du médicament de sa composition, de sa nature, de ses indications et contre-indications thérapeutiques.
Les juges exigent que l’information fournie soit clairement formulée, précise et complète.

L’arrêt de la première chambre civile du 5 janvier 1999 en est une illustration.
En l’espèce, il s’agissait d’un médicament en ampoules. Un utilisateur de ce médicament avait mis deux ampoules à réchauffer mais les laissa trop longtemps de sorte qu’elles explosèrent et qu’il fût blessé aux yeux par des éclats de verre. La Cour de cassation a justifié la défectuosité du produit, en énonçant que « la notice de présentation des ampoules ne mettait pas les utilisateurs en garde contre la violence de l’explosion pouvant se produire en cas de dépassement de la durée d’ébullition mentionnée ».
La notice permet donc dans une certaine mesure de légitimer une atteinte à la sécurité.

Souvent, un médicament ne sera jugé défectueux que parce que le fabricant n’aura pas informé les utilisateurs sur les risques de son absorption.
Ainsi, dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 24 janvier 2006, Laboratoire Servier, une patiente à laquelle un médicament destiné à lutter contre l’obésité, appelé Isoméride, avait été prescrit s’est vue atteinte, un an plus tard d’une hypertension artérielle pulmonaire.
La Cour de cassation sanctionne une information insuffisante sur les risques du médicament.
La Haute juridiction relève que la notice du médicament, qui se voulait rassurante, « ne mentionnait que des cas d’hypertension artérielle rapportés chez des patients généralement obèses sans qu’aucun lien de causalité n’ait été établi avec la prise d’Isoméride » sans faire aucune référence à l’existence d’un risque d’hypertension artérielle pulmonaire.

L’information délivrée aux utilisateurs peut donc conduire à caractériser le défaut du produit de santé pour des effets non ou insuffisamment signalés ou au contraire à légitimer certains effets indésirables.
Néanmoins, ces effets indésirables ne doivent pas être excessifs par rapport aux bénéfices thérapeutiques attendus. Il appartient au juge d’établir un bilan bénéfices/risques, bilan qui peut être révélateur d’un défaut de sécurité.








2° Le défaut de sécurité du produit peut résulter de l’existence d’un risque excessif

La Cour de cassation a indiqué dans un arrêt de la Première chambre civile du 5 avril 2005 relatif au Zyloric, médicament prescrit pour traiter les crises de goutte, qu’il ne fallait pas confondre la défectuosité d’un produit et sa dangerosité.
La défectuosité se définit notamment par la gravité des effets nocifs constatés.
La dangerosité du produit est quant à elle liée à l’existence d’effets indésirables qui sont le lot de tous les médicaments voire le « prix » à payer pour certains traitements.
Reste à tracer la frontière entre l’indésirable et le nocif !
Le défaut n’apparaîtra que si les effets indésirables sont assez gravement nocifs par rapport aux bénéfices thérapeutiques escomptés.
Il s’agit ici d’une comparaison bénéfices/risques.

Mais c’est à une double appréciation bénéfices/risques que le juge doit se livrer .
L’appréciation qualitative et individuelle conduit à rechercher la gravité du danger par rapport à l’effet thérapeutique du médicament pour le patient.
L’appréciation quantitative et collective conduit à rechercher la fréquence de réalisation des risques eu égard aux bienfaits collectifs du médicament.
Un médicament ne sera pas jugé défectueux si les effets indésirables sont de faible gravité en comparaison des effets bénéfiques sur la santé du patient.
De même, ne sera pas défectueux un produit si la manifestation du danger est rare eu égard aux effets positifs sur la santé publique.

Dans un arrêt de la Première chambre civile du 24 janvier 2006, Institut Pasteur, où il était question de la présence d’effets indésirables d’un vaccin contre l’hépatite B, la Cour de cassation semble privilégier l’appréciation quantitative et collective du défaut.
Le bilan bénéfices/risques doit prendre en compte les bénéfices incontestables pour la santé publique d’un vaccin qui protège d’une maladie grave comparés à la rareté de réalisation des maladies graves qu’il est susceptible de provoquer.

Pour résumer, le produit n’est défectueux que s’il est anormalement dangereux, c’est à dire si les risques excèdent, en gravité ou en fréquence, les avantages attendus pour le patient ou la collectivité.
La nécessité de détermination des risques oblige les fabricants de médicaments à ne pas demeurer inactifs lorsque des indices permettent de suspecter qu’un produit est susceptible d’être défectueux.
Ainsi, dans l’affaire du Distilbène, médicament prescrit aux femmes enceintes afin de prévenir les fausses couches, la Cour de cassation a condamné à deux reprises un laboratoire, dans deux arrêts de la Première chambre civile du 7 mars 2006.
Ce médicament avait été laissé sur le marché alors que des études avaient démontré les risques qu’il comportait pour la santé des femmes. Le produit a eu le temps de démontrer sa nocivité chez les femmes enceintes.
Ces arrêts formulent pour la première fois une obligation de vigilance pesant sur les fabricants de médicament qui leur interdit toute passivité et les oblige à prendre des mesures même en présence de résultats discordants quant aux avantages et aux inconvénients du produit de santé.
Cette obligation renvoie à la notion de pharmacovigilance, pilier de la santé publique.
Il ne s’agit pas d’une consécration du principe de précaution : le risque carcinogène lié au Distilbène était connu, identifié sur le plan scientifique or le principe de précaution implique un risque seulement potentiel dans un contexte d’incertitude scientifique.
Le fabricant est responsable d’avoir fait courir aux victimes un risque certain en distribuant un produit dont la défectuosité était caractérisée.

La jurisprudence de la Cour de cassation, qui a affiné la notion de défaut au cours des années, est satisfaisante car elle répond à l’exigence de protection et d’indemnisation des victimes, toujours plus nombreuses en matière de produits de santé.
Gonzague
Voila un résumé

http://www.jurisques.com/jfc23.htm
Gonzague
La responsabilité du fait des produits défectueux est la responsabilité du vendeur d'un produit ou d'un service lorsqu'un vice se manifeste et entraîne un préjudice ou un dommage matériel.
Notre société met sans cesse sur le marché de nouveaux produits manufacturés, agroalimentaires, sanitaires, issus des nouvelles technologies, et susceptibles de présenter un danger pour les utilisateurs et les tiers.
La nocivité de certains de ces produits pour l'environnement ou la santé humaine peut ne se révéler qu'à long terme, comme on l'a constaté pour l'amiante.
Le Code civil français est particulièrement protecteur de l'acheteur et du consommateur. Il met à la charge des vendeurs les obligations de :
délivrance d'un produit conforme à sa destination, assortie d'une obligation accessoire d'information et de sécurité,
garantie du produit contre tout vice caché le rendant impropre à sa destination.
La directive européenne sur les produits défectueux n'a été transposée en droit français qu'en 1998, avec treize ans de retard. La loi 98-389 du 19 mai 1998 a transposé la directive.
La législation en vigueur en droit français est donc la suivante :
Code civil français Articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil français.
Code de la consommation
Obligation générale d'information : L111-1 et L111-2
Garantie légale : L 211-1 (les règles relatives à la garantie des vices cachés dans les contrats de consommation sont fixées par les articles 1641 à 1648, premier alinéa, du code civil français)
Obligation générale de conformité : L 212-1
Prévention L 221-1 à L 221-11
Gonzague
Exposé : notion de défaut

Sous-thèmes :
-Transposition anticipée de la directive par la Cour de cassation
-Domaine de la loi
-Cause d'exonération
-Législateur et CJCE

Message édité le 03-11-2006 à 14:00:25 par Gonzague
 
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