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 Thèmé IV : La responsabilité médicale

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Gonzague
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   Posté le 03-11-2006 à 13:46:33   Voir le profil de Gonzague (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Gonzague   

Exposé Indemnisation des victimes d'infections nosocomiales

Sous-thèmes :
-Responsabilité médicale pour faute
-Responsabilité médicale sans faute
-Indemnisation sans responsabilité
Gonzague
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   Posté le 03-11-2006 à 13:48:59   Voir le profil de Gonzague (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Gonzague   

LOI no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (1)
En intrégralité ici http://www.admi.net/jo/20020305/MESX0100092L.html

TITRE Ier SOLIDARITE ENVERS LES PERSONNES HANDICAPEES

Article 1er

I. - Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.
La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer.
Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale.
Les dispositions du présent I sont applicables aux instances en cours, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation.

II. - Toute personne handicapée a droit, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale.

III. - Le Conseil national consultatif des personnes handicapées est chargé, dans des conditions fixées par décret, d'évaluer la situation matérielle, financière et morale des personnes handicapées en France et des personnes handicapées de nationalité française établies hors de France prises en charge au titre de la solidarité nationale, et de présenter toutes les propositions jugées nécessaires au Parlement et au Gouvernement, visant à assurer, par une programmation pluriannuelle continue, la prise en charge de ces personnes.

IV. - Le présent article est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna ainsi qu'à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.


Article 2
I. - Le dernier alinéa (2o) de l'article L. 344-5 du code de l'action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les sommes versées, au titre de l'aide sociale dans ce cadre, ne font pas l'objet d'un recouvrement à l'encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune. »

II. - Les pertes de recettes résultant pour les départements du I sont compensées par une augmentation, à due concurrence, de la dotation globale de fonctionnement. Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I sont compensées par une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Message édité le 03-11-2006 à 13:53:29 par Gonzague
vincent
sic vis pacem, para bellum
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   Posté le 16-11-2006 à 22:34:40   Voir le profil de vincent (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à vincent   

L'INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFECTIONS NOSOCOMIALES


Par leur fréquence et leur gravité, les infections nosocomiales sont devenues une priorité de premier plan dans l’organisation de la prise en charge des malades. Leur maîtrise est difficile car elles sont principalement la conséquence de la vulnérabilité de malades et de l’intensité des soins qui leur sont prodigués. Le respect rigoureux des règles d’hygiène et un contrôle continu des procédures de soins peuvent cependant permettre d’en prévenir une part importante. En France, le ministre de la santé estime à plus de 10000 le nombre de décès annuels liés à ces infections. Une personne hospitalisée sur dix serait touchée par une infection nosocomiale lors de son passage dans un établissement de santé.
Le coût pour la collectivité et le système de santé est par ailleurs important, une infection nosocomiale conduisant en moyenne à une prolongation de la durée de séjour à l’hôpital de 3 à 7 jours. De plus, certains chiffres sont inquiétants, des statistiques ayant montré qu’un malade a 100% de chances, nous devrions plutôt dire de malchance, d’être touché par une infection nosocomiale s’il passe un mois en réanimation.

La notion d’infection nosocomiale a été introduite en droit français par un décret du 6 mai 1988 relatif à la lutte contre de telles infections. Jusqu’alors, seule la notion d’infection hospitalière était utilisée.
Cependant, le terme d’infection nosocomiale n’est juridiquement ni défini par la loi, ni par la jurisprudence. Le législateur a toujours eu peur de figer une définition trop restrictive et donc défavorable pour les victimes ou les médecins et la jurisprudence n’a jamais eu réellement l’occasion de préciser ce terme puisque jamais le caractère nosocomial d’une infection n’a été contesté devant les Hautes Juridictions.
Quelques définitions émanent des dispositifs de surveillance et de prévention des infections nosocomiales mais de par leur caractère médical ne sont pas adaptées à la mise en œuvre de la responsabilité des acteurs de santé.
Toujours est-il que le mot nosocomial provient du mot latin nosocomium signifiant hôpital, ainsi que des mots grecs nosos et komein signifiant respectivement maladie et soigner. En ancien français, le nosocome désigne indifféremment la maison destinée aux malades et celui qui les soigne. Ainsi la notion peut être utilisée aussi bien pour la médecine de ville que pour la médecine hospitalière.
Juridiquement, une infection nosocomiale est communément définie comme une infection contractée à l’occasion d’un acte médical, la victime de cette infection pouvant être la personne soignée mais également les professionnels de santé administrateurs des soins. Malgré une jurisprudence d’espèce non confirmée du Conseil d’Etat du 27 septembre 2002, le caractère endogène ou exogène de l’infection n’est pas pris en compte.
Le droit d’agir en indemnisation appartient à la victime ou a ses ayants droits lorsqu’elle est décédée.

Jusqu’aux lois de 2002 (n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité civile concernant le régime d’indemnisation des infections nosocomiales) l’attention était portée au plan normatif sur l’organisation de la prévention et de la lutte contre les infections nosocomiales. Les textes en la matière étant tellement nombreux qu’il serait fastidieux de se lancer dans un inventaire qui, de plus, risquerait d’être incomplet. Le soin de l’indemnisation des victimes d’infections nosocomiales était donc laissé aux juges.
Avant l’adoption de la loi du 4 mars 2002, le Professeur Chabas avait affirmé que, pour ce qui concerne les infections nosocomiales, l’intervention du législateur était inutile (F. Chabas, Les infections nosocomiales, Gaz. Pal. 2002, p.661). Il est vrai que si le législateur ne souhaitait pas remettre en cause les acquis jurisprudentiels en la matière, il en a été autrement des solutions retenues.

Les lois de 2002 sont donc venues remplacer une jurisprudence qui semblait aboutie en matière d’infections nosocomiales en lui empruntant les régimes de responsabilité ouvrant droit à l’indemnisation (I) tout en essayant d’accélérer le processus d’indemnisation (II).



I La reprise des régimes de responsabilité ouvrant droit à l’indemnisation des victimes d’infections nosocomiales

Les différentes obligations mises à la charge des établissements de santé par les lois organisant un système de lutte contre les infections nosocomiales ont indirectement servi à l’indemnisation des victimes de ces infections ; en effet, le non respect de ces obligations est constitutif d’une faute engageant la responsabilité de son auteur. La jurisprudence commença donc par indemniser les victimes d’infections nosocomiales sur le fondement de la responsabilité pour faute (A). Cependant, les infections nosocomiales se sont révélées de plus en plus aléatoires et imprévisibles, celles-ci n’étant pas toujours la conséquence d’une faute ou d’une insuffisance.
Dans un soucis de protection des victimes, la jurisprudence a donc indemnisé les infections nosocomiales sur le fondement de la responsabilité sans faute (B).
Nous verrons que la loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui ne visait pas initialement à remettre en cause le régime jurisprudentiel consacré en matière d’infections nosocomiales est intervenue dans ces deux régimes de responsabilité sans toutefois unifier les contentieux administratif et judiciaire.


A/ La responsabilité pour faute

Prenant appui sur la jurisprudence Mercier de la première chambre civile du 20 mai 1936 (S 1937 1. 322) affirmant solennellement que l’obligation du médecin avait la nature d’une obligation de moyen, la Cour de cassation admis dans un premier temps qu’en matière d’infections nosocomiales le médecin ne pouvait voir sa responsabilité engagée qu’en cas de faute prouvée (Civ 1, 9 octobre 1985 (Bull. civ. I, n°250, p.224)).

Dans un deuxième temps, la première chambre civile de la Cour de cassation a, par les arrêts du 21 mai 1996 « Clinique Bouchard » (Bull. civ. I, n°219, p.152) et du 16 juin 1998 « Clinique Belledonne » (Bull. civ. I, n°210, p.144), estimé qu’une clinique est présumée responsable d’une infection contractée par un patient lors d’une intervention pratiquée dans une salle d’opération, ou une salle d’accouchement à moins de prouver l’absence de faute de sa part.
Comme le souligne le Professeur Jourdain (RTD. Civ. 1996, p.914), l’utilisation par la Haute Juridiction de l’expression « présomption de responsabilité » plutôt inhabituelle en matière de responsabilité contractuelle est assez symptomatique de sa volonté d’alourdir la responsabilité des cliniques dans les hypothèses qu’elle vise. De plus, le terme de « présomption de responsabilité » évoque une responsabilité objective ne cédant que devant la preuve d’un cas de force majeure alors qu’en l’espèce l’établissement peut se défaire de cette présomption en apportant la preuve de son absence de faute révélant plutôt la simple présomption de faute.

La victime devait donc seulement démontrer par un ensemble de présomptions que son état était consécutif à une infection contractée dans une salle d’opération. Puis, dès lors que cette relation de causalité était rapportée, la présomption de responsabilité de l’établissement de santé jouait et c’était à ce dernier de démontrer, pour s’en décharger, qu’il n’avait commis aucune faute, c’est à dire qu’il avait pris toutes les mesures imposées en ce domaine.

La jurisprudence du Conseil d’Etat était pour sa part beaucoup plus contraignante.
La présomption de faute a été reconnue par le Conseil d’Etat dans un arrêt Savelli (Rec. CE, p.640) du 18 novembre 1960. A ce stade, le présumé responsable pouvait toujours se dégager en prouvant son absence de faute.
Par suite, devant la multiplication des cas d’infections, la juge administratif a implicitement consacré une obligation de sécurité qui s’induit de la reconnaissance d’une présomption de faute sauf cause étrangère, voire d’une obligation de précaution.

Le Conseil d’Etat dans un arrêt du 9 décembre 1988 Cohen (Rec. CE p.431), a institué une présomption de faute en matière d’infection contractée par un patient en milieu hospitalier public, présomption qui ne pouvait être écartée par la simple preuve de l’absence de faute.
Alors même que l’origine rationnelle du dommage est ignorée, le Conseil d’Etat considère que l’infection survenue « a eu pour cause, l’introduction accidentelle dans l’organisme du patient d’un germe microbien lors de l’intervention ». Du constat du dommage corporel, une faute est présumée. Le juge administratif assimile donc ici l’infection nosocomiale à un cas fortuit puisqu’une faute est présumée en l’absence de cause connue.
Cette solution fut ultérieurement confirmée (CE 1er mars 1989 Bailly (Rec. CE, p.908) et CE 14 juin 1991 Maalem (Rec. CE, p.1184)). La présomption était cependant réfragable par la preuve d’une cause étrangère (CE Ass, 25 janvier 1974, CH Ste Marthe d’Avignon, Rec. CE, p.64).
Il n’en demeure pas moins que l’aggravation du régime de responsabilité administrative a produit dans le secteur public un effet salutaire de diminution du risque.

La loi du 4 mars 2002 réaffirme haut et fort le principe de la responsabilité médicale pour faute. Selon les termes de l’article L 1142-1 du Code de la santé publique, « les professionnels de santé…ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ». Cette exigence vaut aussi bien pour la responsabilité civile que pour la responsabilité administrative.
Cette disposition exprime une volonté législative de « clarifier » les règles de la responsabilité médicale, en les précisant et en les unifiant. Quant au maintien de l’exigence de la faute, il a été expliqué par l’idée de contrepartie à la création d’un régime d’indemnisation automatique des accidents thérapeutiques. Dans l’exposé des motifs du projet de loi, il était en effet énoncé « dès lors que le présent projet permet aux victimes d’accidents graves sans faute d’être indemnisées, il importe d’asseoir la responsabilité en matière médicale sur ses bases plus classiques, c’est à dire la notion de faute ». Il ressort en effet des travaux parlementaires que la faute envisagée par l'article L. 1142-1, I, du Code de la santé publique s'entend aussi bien de la faute prouvée que de la faute présumée (Rapport à l'Assemblée nationale de MM. Claude Evin, Bernard Charles et Jean-Jacques Denis, au nom de la Commission des affaires culturelles, n° 3263).

Sans doute le législateur a considéré que les avancées de l’obligation de sécurité de résultat observées en droit privé et les progrès de la responsabilité sans faute en matière de responsabilité administrative hospitalière, constituaient des menaces trop sérieuses. Ce faisant, il a peut être aussi restreint les exceptions jurisprudentielles admises à la responsabilité pour faute.



B/ La responsabilité sans faute

A propos de la responsabilité sans faute, le Conseil d’Etat écrit que «le recours à la présomption de faute est logique quand la faute est impossible à prouver tout en étant manifeste même si le régime de la présomption de faute est sévère à l’égard de l’établissement hospitalier lorsque celui-ci a pris les mesures de sécurité sanitaires adéquates et n’a pas, de fait, commis de faute. En effet, s’il est possible de réduire les infections nosocomiales par des mesures d’asepsie plus rigoureuses, il est impossible de les éliminer totalement tant les sources potentielles de contamination sont nombreuses et dans la mesure où il est inconcevable d’isoler toutes les personnes hospitalisées sous une bulle stérile. […] Il existe donc un hiatus entre la réalité technique et la principe même du régime de responsabilité pour présomption de faute » (Réflexion sur le droit de la santé, EDCE, 1998, p247).
Néanmoins, la présomption de faute de la jurisprudence administrative était devenue pratiquement irréfragable de par le fait que les établissements publics de santé avaient les plus grandes difficultés à prouver une cause étrangère. Cette présomption de faute était devenue de facto une responsabilité sans faute.

Pour sa part, la Cour de cassation a fini par retenir l’existence d’une obligation de sécurité de résultat à la charge des professionnels de santé en matière d’infections nosocomiales.
En effet, par trois arrêts de la première chambre civile, (Bull. civ. I, n°220, 222 et 223) dits « staphylocoques dorés », la Cour de cassation a marqué une nouvelle évolution en décidant au visa de l’article 1147 du Code civil que le contrat d’hospitalisation ou de soins conclu entre un patient et un établissement de santé ou un médecin met à la charge de ce dernier, en matière d’infection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère.
Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 13 février 2001 confirme que les médecins libéraux sont biens concernés et sont débiteurs d’une obligation de sécurité de résultat vis à vis de leurs patients.
Le conseiller à la Cour de cassation Pierre Sargos estime cependant que les médecins sont tenus d’une obligation de sécurité de résultat « en seconde ligne » car les obligations légales afférentes à la lutte contre les infections nosocomiales pèsent à titre principal sur les établissement de santé (Resp. civ. et assur. Hors-série juillet 1999, p. 38).

La victime ne se trouve pas pour autant totalement dispensée de la preuve du lien de causalité entre l’infection et l’acte médical. En effet, un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 27 mars 2001 tempère la portée du principe de l’obligation de sécurité de résultat sur le terrain probatoire en exigeant que le patient victime démontre « que l’infection dont il est atteint présente un caractère nosocomial ». Cette exigence est la bienvenue car si une obligation de sécurité de résultat sanctionne l’inobtention d’un résultat promis, c’est à la condition qu’il y ait un lien de causalité entre l’inexécution et le dommage.
On peut toutefois objecter qu’en pareil cas, il serait plus judicieux de renverser la charge de la preuve : au lieu qu’il revienne au patient victime le soin d’avoir à prouver le caractère nosocomial de son infection, ce devrait être au professionnel de santé, en l’occurrence au médecin, de prouver l’absence de lien de causalité entre l’infection et son acte médical. Un tel renversement de la charge de la preuve, faisant bénéficier la victime d’une présomption de fait de causalité là où la preuve de l’origine exacte des germes contaminants est souvent impossible à établir, serait beaucoup plus favorable aux victimes demandant une indemnisation.

Cette obligation de sécurité de résultat étendue au médecin constitue une brèche dans le principe traditionnel de l’obligation de moyens du médecin même s’il est vrai que cette obligation ne concerne pas les soins mais la sécurité du patient et qu’elle est ici cantonnée aux infections nosocomiales. Cette solution est néanmoins regrettable : le cabinet est assimilé à une salle d’opérations et l’obligation de sécurité est dénaturée : celle-ci ne peut exister que si l’obligation principale n’est pas aléatoire pour le débiteur. En ce sens, le médecin ne doit pas être tenu d’une obligation de sécurité quant à son acte médical car celui-ci reste toujours entouré de risques divers qui ne peuvent pas être évacués.
La loi du 4 mars 2002, en réaffirmant une responsabilité pour faute, donne une bouffée d’oxygène aux médecins libéraux dont la responsabilité ne sera désormais engagée qu’en cas de faute prouvée, ce qui est un recul par rapport au droit antérieur. Néanmoins, le médecin libéral pourra plus facilement se défendre s’il est mis en cause.

La jurisprudence de la Cour de cassation postérieure à la loi du 4 mars 2002 modifiée par la loi du 30 décembre 2002 continue de proclamer l’obligation de sécurité de résultat à la charge des médecins ayant pratiqué un acte médical en cause avant le 5 septembre 2001.
Des arrêts récents de la première chambre civile du 1er février 2005 (n°03-18052) du 18 octobre 2005 (n° 04-14268), du 21 mars 2006 (n° 04-20627) et du 4 avril 2006 (n° 04-17491) reprennent tous le même attendu : « en l’absence d’application en la cause de l’article L 1142-1 du CSP, le médecin est tenu à l’égard du patient d’une obligation de sécurité de résultat dont il ne pouvait se libérer qu’en apportant la preuve d’une cause étrangère ». A contrario, l’interprétation de cet attendu indique que la solution serait différente en cas d’application de l’article L 1142-1 du CSP.
Seul un arrêt de la dixième chambre de la Cour d’appel d’Aix en Provence du 4 mai 2004 a doté la loi du 4 mars 2002 « d’un effet horizontal indirect » (Resp. civ. et Ass. nov.-04, n°11, p.343, obs Ch. Radé) en redéfinissant l’obligation contractuelle pesant sur le médecin comme une obligation de moyen en matière d’infections nosocomiales, nécessitant la preuve d’une faute. Selon l’auteur de la note, la cour d’appel déforme l’esprit de la loi en appliquant prématurément ce nouveau régime de responsabilité sans que la victime ne puisse bénéficier en contrepartie du droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale.

La loi du 4 mars 2002 prévoit une exception à l’exigence de la faute en cas d’infection nosocomiale. Selon l’article L 1142-1 du Code de la santé publique, « Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ».
Ces dommages relèvent donc bien toujours de la responsabilité médicale et la responsabilité demeure toujours objective puisqu’elle ne cède que devant la cause étrangère, conformément à la jurisprudence antérieure tant civile qu’administrative.
Cette responsabilité de plein droit ne dispense pas la victime de prouver le lien de causalité entre son dommage et le séjour dans l’établissement, la loi visant les dommages « résultant d’infections nosocomiales ».
A ce stade, seule la cause étrangère peut sauver l’établissement de santé. Celle-ci est caractérisée dans le cas de faute de la victime (patient porteur d’un germe infectieux), dans le fait d’un tiers (fournisseur de l’établissement dont la prestation entraîne l’infection), dans le cas de force majeure (cyclone entraînant la destruction des mécanismes de vigilance) ou par un cas fortuit (problème inhérent aux installations sanitaires).

En devant préalablement et obligatoirement rechercher la responsabilité du professionnel de santé devant le tribunal compétent, la victime n’était pas garantie d’être indemnisée dans les plus brefs délais. En effet, les procédures juridictionnelles sont non seulement très longues mais aussi très coûteuses puisque tous les frais, notamment d’expertise, sont mis à la charge du demandeur et donc de la victime. La loi nouvelle se devait donc d’accélérer le processus d’indemnisation de la victime.

II La tentative d’accélération du processus d’indemnisation des victimes d’infections nosocomiales

La réaffirmation du principe de responsabilité pour faute des professionnels et des structures de santé postulait nécessairement un dispositif d’assurance obligatoire de ceux-ci. La loi du 4 mars 2002 édicte ainsi une obligation d’assurance de responsabilité en raison des dommages subis dans le cadre des activités de prévention, de diagnostic ou de soins (article L 1142-2 du CSP), tout en instituant un double mécanisme de règlement amiable et d’indemnisation (articles L 1142-4 à –8 et L 1142–14 à –24 du CSP). Le législateur met au service de la victime d’une infection nosocomiale imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins une voie extra-juridictionnelle facultative de réparation des préjudices subis avec les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et infections nosocomiales (CRCI).

L’adoption de la loi du 4 mars 2002 a suscité de très vives polémiques notamment chez les assureurs mais également chez les médecins assurés qui ont vu leurs primes considérablement augmenter. Face à un risque de paralysie du système de santé par l’impossibilité pour les professionnels de santé de s’assurer contre les risques résultant de leurs activités, il semblait nécessaire de garantir la continuité de la couverture assurantielle du secteur de la santé et la poursuite de l’activité médicale au 1er janvier 2003.
Le marché de l’assurance de responsabilité civile médicale était sinistré, plusieurs compagnies, notamment américaines, ayant décidé de s’en retirer.
Cédant aux revendications des assureurs, le législateur a complété les dispositions de la loi du 4 mars 2002 en prévoyant un nouveau régime juridique pour les contrats d’assurance de responsabilité médicale et en leur permettant de limiter leurs garanties.
La loi du 30 décembre 2002 opère une redistribution de l’indemnisation des dommages découlant d’infections nosocomiales entre les assureurs (A) et la solidarité nationale (B) en réalisant une distinction entre les infections en fonction du degré de gravité du dommage subi par la victime.


A/ L’indemnisation par les assureurs

La loi du 4 mars 2002 réaffirme la responsabilité pour faute des professionnels de santé. En instituant également une obligation d’assurance à leur charge, elle réaffirme donc de facto que l’assureur est le débiteur principal de l’indemnisation des infections nosocomiales.

La loi du 4 mars 2002 a créé les Commissions régionales de conciliation et d’indemnisation (CRCI). Il s’agissait de simplifier et d’accélérer le processus d’indemnisation suivant un dispositif permettant à la victime de faire l’économie d’une procédure juridictionnelle en instituant au niveau local un interlocuteur unique destiné à recevoir ses demandes. Il s’agit de faciliter un règlement rapide et amiable des litiges en donnant compétence à un seul organisme quelque soit la nature de la structure de santé où l’infection nosocomiale s’est produite. Toute personne s’estimant victime d’une infection nosocomiale peut saisir directement la Commission de conciliation et d’indemnisation créé dans chaque région. Les CRCI ne peuvent cependant être saisies que pour des infections nosocomiales consécutives à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001, même si elles font l’objet d’une instance en cours. La saisine de la commission suspend les délais de prescription et de recours contentieux jusqu’à la fin de la procédure, ceci dans une optique de protection des droits de la victime en cas d’échec de la conciliation.
Cette voie extra-juridictionnelle est totalement facultative. La victime peut très bien demander réparation de ses préjudices devant le tribunal compétent. En outre, face à l’incertitude d’un succès de la conciliation, la victime peut cumulativement introduire une action en justice devant le tribunal compétent à la seule condition d’en informer les deux juridictions.

En dessous d’un certain seuil de gravité fixé par décret 24% d’IPP, seule la conciliation relève de la compétence des CRCI.
Au-dessus de ce seuil, les CRCI sont compétentes pour régler à l’amiable un dommage. La CRCI doit alors rendre un avis dans les deux à six mois (sur les causes, la nature et l’étendue des dommages ainsi que le régime d’indemnisation applicable), ne pouvant être contesté qu’à l’occasion de l’action en indemnisation introduite devant la juridiction compétente ou des actions subrogatoires (article L 1142-8 du CSP). Pour ce faire, elle peut ordonner une expertise (articles L 1142-9 à –12 du CSP).
Si la CRCI estime qu’une partie ou la totalité du dommage engage la responsabilité d’un professionnel de santé, l’assureur de celui-ci doit faire une offre d’indemnisation à la victime visant à la réparation partielle ou intégrale des préjudices subis dans les quatre mois suivant la réception de l’avis et dans la limite du plafond de garantie. L’assureur doit, en outre, rembourser les frais d’expertise supportés par la CRCI. L’acceptation de l’offre par la victime vaut transaction au sens de l’article 2044 du Code civil, auquel cas l’assureur doit verser l’indemnité dans un délai d’un mois (article L 1142-14 et -18 CSP). L’acceptation de l’offre par la victime aura pour effet de clore le litige en moins d’un an.

Quand l’assureur estime que l’assuré qu’il a couvert n’est pas responsable du dommage, il dispose d’une action subrogatoire contre le tiers responsable ou contre la solidarité nationale débitrice de l’indemnisation des accidents non fautifs et suppléante de l’assureur dans certains cas.


B/ L’indemnisation par la solidarité nationale

La loi du 4 mars 2002 a créé l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogène et des infections nosocomiales. L’ONIAM est un établissement public administratif de l’Etat qui a le caractère de Fonds d’indemnisation financé par une dotation de la Sécurité sociale. En conséquence, l’indemnisation qu’il verse émane de la solidarité nationale.
L’ONIAM a une compétence générale d’indemnisation des dommages supérieur à 24% d’IPP résultant d’une infection nosocomiale trouvant son origine dans un acte de prévention, de diagnostic ou de soins (article L 1142-1 I CSP). Les victimes d’infections survenues indépendamment de tout acte médical ou paramédical ne pourront pas a priori bénéficier du régime d’indemnisation.
Du seul fait de la gravité de l'infection dont elle souffre, la victime dispose d'une créance d'indemnisation contre l’ONIAM, sans que celui-ci puisse faire état d'une subsidiarité de sa vocation. Lorsque, à l’occasion d’un procès en responsabilité en raison des conséquences dommageables d’un acte médical, la juridiction estime qu’elle est saisie d’un accident non fautif, l’ONIAM est appelé en la cause si ce n’avait pas été fait et il devient défendeur au litige.
L'ONIAM se voit reconnaître un recours subrogatoire dans différentes hypothèses. Il en est ainsi, à l'instar de l'assureur de responsabilité, lorsque après avoir transigé avec la victime, il estime que l'indemnisation incombait en réalité à l'assurance du responsable.

Dans l’hypothèse de silence ou de refus exprès de l’assureur à faire une offre d’indemnisation ou lorsque la personne considérée comme responsable du dommage n’est pas assurée ou encore lorsque le plafond de garantie du contrat d’assurance est atteint, l’Office est substitué à l’assureur et doit faire une offre à la victime. L’ONIAM est alors subrogé dans les droits de la victime ayant accepté l’offre contre le responsable du dommage ou contre son assureur à concurrence des sommes versées. Quels que soient les recours ultérieurs, l’indemnité allouée à la victime par l’ONIAM lui reste acquise.
L’indemnisation ne restera définitivement à la charge de l’Office qu’en cas d’absence de responsable.

Comme le soulignait le Professeur Lambert-Faivre (La responsabilité médicale : la loi du 30 décembre modifiant la loi du 4 mars 2002, D. 2003, p. 361), compte tenu du seuil d'intervention légal (24% d’IPP), le champ d'application effectif de la solidarité nationale est quoi qu'il en soit assez restreint en pratique, la grande majorité des infections nosocomiales ne provoquant pas d'incapacité permanente subséquente. L'indemnisation des infections nosocomiales par l'Office au titre des préjudices graves est d'ores et déjà marginale, et ne conserve d'intérêt que pour les hypothèses où le décret du 4 avril 2003 s'avère plus compréhensif dans la définition générale de l'aléa thérapeutique grave. En effet, en cas de mise en cause d’un établissement de santé, lequel prouve la cause étrangère, il y a aléa dont la réparation intervient dans le cadre de l’ONIAM.

La portée de l’indemnisation figure dans le « référentiel indicatif d’indemnisation de l’ONIAM » qui décrit à titre indicatif les différents préjudices pris en compte (notamment l’Incapacité Permanente partielle IPP, les préjudices patrimoniaux, les préjudices extrapatrimoniaux et les préjudices des ayants droits) ainsi que des fourchettes d’indemnisation fonction de critères de sexe et d’âge.

En 2004, l’ONIAM a été destinataire de 19 avis d’infections nosocomiales en application de la loi du 30 décembre 2002 (décès ou taux d’IPP supérieur à 24%) ce qui semble faible au regard des estimations les plus couramment avancées selon lesquelles le nombre de décès s’élèverait à plusieurs milliers par an.
Les CRCI n’ont pas plus de succès ; elles ont enregistré en 2004 le dépôt de 3553 nouveaux dossiers de demande d’indemnisation ce qui paraît peu relativement aux cas annoncés d’infections. La procédure de conciliation est pour sa part en échec : les commissions n’ont été saisies que de 36 demandes en 2003 et 149 en 2004.

Devant ces constats, on peut considérer que la nouvelle procédure mise en place par les lois de 2002 est un échec. D’un côté la Solidarité nationales n’intervient que pour les cas les moins nombreux, de l’autre, la victime préfère toujours saisir le juge compétent qui a la réputation d’être beaucoup plus généreux surtout quand on regarde les indemnités versées par le juge communautaire.
Anne-Laure
the golden age of grotesque
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Anne-Laure
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   Posté le 03-12-2006 à 17:02:37   Voir le profil de Anne-Laure (Offline)   Répondre à ce message   http://www.metalorgie.com   Envoyer un message privé à Anne-Laure   

voici notre exposé :

L'indemnisation des victimes de maladies nosocomiales



Notre sujet concerne l'indemnisation des victimes de maladies nosocomiales, lesquelles maladies sont un fléau moderne puisqu' elles tuent environ 10000 personne par an. Il y a donc, de nos jours, deux fois plus de décès dus aux suites d'infections nosocomiales que de décès causés par les accidents de la route.
Nous sommes face à un véritable problème de société. En effet 7% des personnes admises à l' hôpital ou autres établissements de santé type cliniques privées contractent une infection nosocomiale pendant leur séjour hospitalier ou après.


Dès lors les pouvoirs publics ont deux objectifs évidents : le premier étant d'éradiquer ces infections et le second étant d'indemniser au mieux les victimes.


Mais au juste, qu'est ce qu'une infection nosocomiale?


Elle a été définie dans une circulaire de 1988 comme toute maladie provoquée par des micro-organismes et contractée dans un établissement de soin par un patient après son admission pour hospitalisation ou soins ambulatoires. L'infection doit être reconnaissable aux plans cliniques ou micro-biologiques et ne doit pas être présente ou en incubation à l' admission du patient. Elle doit en effet apparaître par la suite c' est à dire soit durant le séjour à l'hôpital soit après. Un délai de 48h est d'ailleurs donné à titre indicatif : si l'infection se révèle dans ce délai de 48h on en déduit que l'infection était en incubation à l'arrivée dans l'établissement de soin et que par conséquent il ne s'agit pas d'une maladie nosocomiale.
Les infections les plus courantes sont des infections bactériennes notamment par staphylocoque doré. La plupart sont bénignes (infections urinaires ou infections des plaies opératoires) mais d'autres se révèlent gravissimes voire fatales dans certains cas (infections pulmonaires, septicémies : bactéries dans le sang).
Ces infections surviennent de deux manières : elles sont soit endogènes soit exogènes. Endogènes quand le malade se contamine avec ses propres gênes, exogènes quand l'infection provient de l'environnement extérieur au malade : infection venant d'un autre patient, gênes du personnel médical porteur qui infecte la victime ou bien encore infections qui sont liées à la contamination de l'environnement hospitalier (matériel notamment).


Afin de mieux situer notre sujet dans la vaste discipline qu'est celle de la responsabilité médicale nous nous devons de préciser quelques points et tracer l'évolution importante de cette matière.
La responsabilité des professionnels de santé se caractérise par sa complexité puisqu’elle se situe à la frontière de deux domaines : juridique et médical. La notion de responsabilité est primordiale : c' est elle qui conditionne l'indemnisation les victimes.
Rappelons que le médecin est soumis à une obligation de moyen : il doit prodiguer des soins adaptés au patient et des soins conformes aux données acquises par la science à la date de ces mêmes soins. (arrêt Mercier C cassation 1936) ; nous reviendrons par la suite sur cette obligation de moyen qui est le pendant de l' aléa de la guérison. Il existe à la charge des praticiens certaines obligations de résultat, cela est né de l'évolution de la jurisprudence doublée d'un mouvement tendant à l'indemnisation des victimes.
Car en effet, en matière médicale, s’il n’est pas admissible que le médecin soit tenu pour responsable de toutes les conséquences de ses actes professionnels en dehors de toute faute, il n’est pas acceptable qu’une faute médicale aboutisse à abandonner une victime sans aucune reconnaissance et compensation.
La responsabilité médicale se traduit donc par la nécessité cumulative d’une faute, d’un préjudice causé au patient et du lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Le patient ou ses ayants droit peut alors obtenir une indemnisation et la condamnation du professionnel de santé.
A titre de rappel également signalons que les patients d'hôpitaux publics agissent devant les tribunaux administratifs et que les patients d'établissements privés saisissent les tribunaux judiciaires.


I Evolution jurisprudentielle avant la Loi de 2002


Le CE et la Cour de cassation ont eu une jurisprudence longtemps différente soulignant une inégalité, une injustice, entre les patients du secteur public et ceux du secteur privé. En effet, les premiers, étant usagers du service public ont très tôt bénéficier d'une indemnisation de leur préjudice résultant d'une infection nosocomiale tandis que les seconds butaient sur l'obligation de moyen qui ne leur permettait pas, sauf faute prouvée du praticien, d'être indemnisés.

A En matière administrative :

Le patient est un usager de service public : la responsabilité n’est donc pas contractuelle, mais quasi-délictuelle.

Le premier arrêt rendu par le CE date de 1960 : il condamnait un hôpital pour faute après le décès d’un enfant atteint de rougeole et contaminé par la variole par son voisin de chambre
( CE, 18 novembre 1960, arrêt Savelli)

Mais l’arrêt fondateur est l’arrêt Cohen du 9 décembre 1988, dans lequel le conseil d’état admet une présomption de faute en matière d’asepsie qu’il définit comme « une présomption de faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service, à qui incombe de fournir au personnel médical un matériel et des produits stériles, alors même qu’aucune faute lourde médicale, notamment en matière d’asepsie ne peut être reprochée au praticien ».
Cet arrêt permet notamment d’engager la responsabilité de l’hôpital lorsque les circonstances exactes de la contamination ne sont pas connues.

Les arrêts suivants, Bailly du 1er mars 1989 et Maalem du 14 juin 1991, illustrent la difficulté pour les hôpitaux de prouver l’absence de faute.
Dans ces affaires, les hôpitaux ont essayé en vain de prouver que le patient était porteur du foyer infectieux lors de son entrée à l’hôpital.
Nous pouvons faire deux remarques :
1 la présomption de faute apparaît comme une vraie présomption de responsabilité : en effet l’absence de faute ne semble pas suffire.
2 Il est très dur pour les hôpitaux de s’exonérer : il faut prouver que le patient était déjà porteur du foyer infectieux avant l’intervention.

FOYER INFECTIEUX ET NON GERMES A L’ORIGINE DE L’INFECTION

Arrêt Bailly : attendu :
« Considérant (…) que rien ne permet de présumer que M. BAILLY ait été porteur, avant l'opération, d'un foyer infectieux qui pourrait être à l'origine de cette complication ; que si aucune faute lourde médicale, notamment en matière d'asepsie, ne peut être reprochée aux praticiens qui ont exécuté l'intervention, l'introduction accidentelle, dans l'organisme du patient, d'un germe microbien lors d'une intervention chirurgicale révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier, alors même qu'aucun autre cas de contamination de cette nature n'a été constaté dans le service à l'époque des faits ; que, dès lors, M. BAILLY est fondé à demander au centre hospitalier du Blanc réparation du préjudice qu'il a subi du fait de cette faute »

Arrêt Maalem : attendu
« Considérant que rien ne permet de présumer que M. MAALEM ait été porteur, avant l'opération, d'un foyer infectieux ; que l'introduction accidentelle d'un germe microbien dans l'organisme lors d'une intervention chirurgicale révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier et engage la responsabilité de celui-ci envers la victime pour les conséquences dommageables de l'infection ; que M. MAALEM est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions dans la mesure où elles tendent à la réparation desdites conséquences »



CE, 27 septembre 2002 : le conseil d’Etat considère qu’en cas d’infection nosocomiale endogène, la faute dans l’organisation et le fonctionnement du service n’est pas reconnue.

Attendu :
« Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les germes qui sont à l'origine de l'infection qui s'est déclarée à la suite de la stérilisation tubaire subie par Mme X... et a nécessité une ablation de sa trompe droite et de son ovaire droit étaient déjà présents dans l'organisme de la patiente avant la première intervention ; que dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que l'infection dont elle a souffert révèlerait, par elle-même, une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ; »

Infection nosocomiale endogène / exogène
2 endogène : elle découle de la propre flore bactérienne du patient : le malade se contamine par ses propres germes.
Les infections endogènes représentent 50 % au moins des infections nosocomiales.
3 Exogène : elles sont contractées à l’occasion d’un acte réalisé pendant l’hospitalisation ( intervention chirurgicale, mise en place d’un cathéter veineux…), infections croisées transmises d'un malade à l'autre, provoquées par les germes du personnel porteur ou encore liées à la contamination de l'environnement hospitalier.

CE restreint la responsabilité liée aux infections nosocomiales aux seules infections exogènes.
La Cour de cassation, quant à elle, s’est exprimée récemment et n’admet pas une telle distinction ( Cass. Civ. 4 avril 2006).


B En matière judiciaire :

Depuis l'arrêt Mercier en date du 20 mai 1936, la Cour de cassation affirme qu'il existe un contrat de soin entre le patient et le médecin donnant naissance à une obligation de moyen à la charge du médecin. Il s'agit pour lui de tout mettre en oeuvre afin que le malade guérisse c'est à dire de prodiguer de soins conformes aux données acquises de la science. L'obligation n'est que de moyen, en effet un résultat ne peut être promis ou du car celui ci reste fonction de l'aléa médical, du progrès de la science et de l'état de santé du patient. L'aléa est inhérent à l'exercice de la médecine.
Il découle de l’obligation de moyens du médecin que la responsabilité médicale est une responsabilité pour faute, c'est-à-dire que le médecin n'est condamné que si la victime rapporte la preuve d'une faute à son encontre (ex : faute médicale, faute d'organisation du service, faute dans le diagnostic, défaut d'information préalable du patient etc)
Toutefois, il existe des cas où son obligation de soin se transforme en une obligation de résultat : les fournisseurs de produits ou d'appareils que sont les médecins ou établissements de santé sont tenus à une obligation de résultat quant à l'absence de vice des objets fournis tels que les prothèses, produits médicamenteux ou sanguins. Nous verrons aussi que concernant les infections nosocomiales, la Cour de cassation, après une lente mais significative évolution, a penché vers l'obligation de sécurité de résultat sans remettre en cause l'obligation de moyens découlant du contrat de soins.

Dans un premier temps, et sur le fondement de l'obligation de moyen, les victimes ne pouvaient que très difficilement être indemnisées car elles devaient prouver une faute, par exemple un défaut de précaution dans l'asepsie du champ opératoire, preuve qui était très difficile à rapporter (« diabolica probatio » selon les termes de Monsieur le Professeur Mazeaud). En effet il était quasi impossible pour les victimes atteintes d'infections nosocomiales d'établir le manquement aux règles d'asepsie et le lien de causalité entre ce manquement et leur dommage.

Tandis que les patients des hôpitaux publics pouvaient être indemnisés, les patients de cliniques privées se butaient à l'obstacle qu'était pour elles l'obligation de moyen.
La Cour de cassation se devait de faire évoluer sa jurisprudence : laisser un tel fardeau de la preuve aux victimes les empêchait le plus souvent d'être indemnisées et la différence de traitement entre patients usagers du service public et patients du secteur privé était devenue insupportable.

Un premier pas vers l'amélioration du sort des victimes va être fait en 1996.
Par un arrêt Bonnicci contre clinique Bouchard (21 mai 1996), la Cour de cassation dit "qu'une clinique est présumée responsable d'une infection contractée par un patient lors d'une intervention pratiquée dans une salle d'opération, à moins de prouver l'absence de faute de sa part".
L'évolution paraît considérable : les victimes n'ont plus à prouver la faute de la clinique. La faute est présumée, il y a renversement de la charge de la preuve.
Bien qu'affirmant un nouveau principe la Cour de cassation va montrer dans cet arrêt même les limites de cette évolution qui, sommes toutes, paraît largement insuffisante. Dans cette espèce, la clinique va prouver qu'elle n'a pas commis de faute car les règles d'asepsie ont été respectées : elle est ainsi exonérée de la présomption pesant sur elle. Nous ne nous pouvons que regretter cette jurisprudence qui ne fait évoluer l'obligation de moyen seulement vers une obligation de moyen renforcée insuffisante au regard de la nécessité d'indemnisation des victimes d'infections nosocomiales. En effet, même si la charge de la preuve est renversée ce qui évite aux victimes de rencontrer de sérieuses difficultés probatoires, les cliniques et médecins peuvent toujours se décharger en prouvant qu'ils n'ont pas commis de faute.
De plus l'arrêt délimite géographiquement et temporellement : la présomption de faute concerne les infections contractées pendant une intervention dans une salle d'opération, ce qui exclut les contaminations en cabinets privés ou même dans tout autre lieu de la clinique que celui du bloc opératoire.
Pour conclure, la portée de cet arrêt semble limitée car la délimitation géographique et temporelle ainsi que la possibilité pour l'établissement de soins de s'exonérer de sa responsabilité par la preuve du simple respect des mesures d'hygiène et d'asepsie laissent encore trop de victime sur le bord du chemin de l'indemnisation.

Un autre arrêt mérite d'être abordé et étudié : il s'agit de l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation Clinique Belledonne en date du 16 juin 1998.
L'arrêt n'est peut être pas fondateur comme ceux qui vont suivre en 1999, néanmoins il s'inscrit dans ce mouvement d'évolution de l'indemnisation des victimes que la Cour de cassation entend suivre à petits pas.
Cet arrêt élargit la présomption offerte par l'arrêt de 1996 qui vient d'être évoqué. La salle d'accouchement va ainsi être assimilée à une salle d'opération. Enfin, la Cour de cassation va considérer que la démonstration du respect des règles d'hygiène, de stérilisation et d'asepsie ne suffit plus à rapporter la preuve qu'une faute n'a pas été commise. En l'espèce la Cour d'appel, avait constaté que bien que ces règles n'aient été respecté, l'infection dont souffrait la victime ne pouvait provenir d'un autre lieu à autre moment. Les juges se montrent dès lors plus sévères dans l'admission de l'absence de faute, il s'agit d'une réelle avancée pour les victimes.
La doctrine, suite à cet arrêt, s'est interrogée sur le point de savoir si une obligation de sécurité de résultat ne serait pas la bienvenue concernant le délicat problème des infections nosocomiales. L'obligation de sécurité de résultat serait ainsi accessoire à l'obligation de soin qui est de moyen. (distinction entre le traitement juridique de l'accident médical auquel on assimile l'infection nosocomiale et celui de l'échec des soins : toute thérapie est aléatoire, l'acte de soin est toujours incertain : Mazeaud)

Un petit pas pour la Cour de cassation, un grand pas pour les victimes : les arrêts du 29 juin 1999 dits de staphylocoque doré.

Dans chacune des affaires, un patient avait été victime d’une infection due à l’introduction de staphylocoques dorés à l’occasion d’une intervention chirurgicale du genou.

Dans la première espèce, la cour de cassation censure un arrêt qui avait écarter la responsabilité de la clinique au motif qu’aucune faute ne pouvait lui être reprochée, au motif que « le contrat d’hospitalisation et de soins conclu entre un patient et un établissement de santé met à la charge de ce dernier en matière d’infections nosocomiales, une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère ».

Dans les deux autres espèces, la responsabilité d’un médecin étant en cause : dans l’une, la Cour de cassation rejette le pourvoi contre l’arrêt qui avait retenu la responsabilité du médecin , dans l’autre elle casse l’arrêt qui ne l’avait pas admise et cela au même motif « un médecin est tenu vis à vis de son patient, en matière d’infection nosocomiale, d’une obligation de sécurité résultat dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère ».

3 arrêts rendus le même jour : quasiment les mêmes attendus, un rejet, deux cassations : signes que la cour de cassation a voulu posé un principe.

Les différents apports de cette JP :

4 instaure l’obligation de sécurité de résultat, en matière d’infection nosocomiale.
Cette obligation a pour base légale l’article 1147 du code civil, et est fondée sur le respect de l’intégrité corporelle d’autrui. Elle consiste à imposer l’hébergement du malade dans des lieux sains, de le soigner avec des instruments stérilisés et de contrôler l’asepsie du champ opératoire.
Celle-ci ne cède que devant la preuve de la cause étrangère par le présumé responsable. C’est donc une présomption de responsabilité.
La clinique ne peut donc plus s’exonérer en prouvant qu’elle avait respecté la réglementation en matière d’asepsie et de stérilisation , comme elle l’avait fait en 1996.
De même, le présumé responsable ne peut pas se retrancher derrière l’accomplissement de son devoir d’information des risques d’infection nosocomiale.
La cause étrangère : force majeure, faute de la victime ou fait d’un tiers, si ceux-ci présentent les caractères d’imprévisibilité, d’irrésistibilité et d’extériorité.
Force majeure : tremblements de terres, tempêtes…
Fait d’un tiers : totalement étranger à l’auteur du dommage : pas un médecin délégué, infirmière. L’établissement de soins ne peut pas s’exonérer en se retrancher derrière celle du médecin, sauf si celui-ci loue indépendamment les locaux.
Fait de la victime : au moment de l’intervention, elle est en principe passive.
Activités contre-indiquées ?

5 Celle-ci repose sur les établissements de santé mais aussi sur les médecins.
Dans le contrat conclu par le patient avec l’établissement ou le médecin, existe donc une obligation accessoire à l’obligation de moyens : l’obligation de sécurité de résultat.
C’est la première fois que la Cour de cassation déclare un médecin tenu d’une obligation de sécurité de résultat ( sauf le cas du chirurgien-dentiste Civ.1ère, 22 novembre 1994).
Cependant, il est vrai que cette obligation ne concerne pas les soins mais la sécurité du patient et qu’elle concerne uniquement les infections nosocomiales : cela ressort clairement des attendus des ces arrêts.

Cette responsabilité n’est pas subsidiaire :
La responsabilité du médecin peut être actionnée s’il n’y a aucun contrat de soins conclu avec la clinique (comme dans le troisième arrêt : location seule des locaux de la clinique) mais aussi s’il y a un tel contrat (comme dans le deuxième arrêt, où la responsabilité du médecin et de la clinique avaient été retenues in solidum).
Par analogie, on doit étendre cette obligation au médecin exerçant dans un cabinet médical privé.

Pour M. Sargos, cela peut être admis car les médecins sont tenus du devoir d’asepsie au même titre que les établissements de santé et que « leur indépendance professionnelle inaliénable ne leur permet pas de s’abriter derrière l’action ou l’inaction de l’établissement de santé où ils exercent pour être exonérés de leur propre obligation ».

6 Toutes les infections nosocomiales, quelque soit le lieu de contamination du patient, sont concernées par cette obligation de sécurité de résultat.
Pas de restriction dans la motivation des arrêts : la présomption joue pour les infections contractées dans n’importe quel lieu de la clinique ou dans le cabinet médical.
Auparavant, la Jp excluait toute infection dans un autre lieu que la salle d’opération et celle d’accouchement, à laquelle elle était assimilée (Civ. 1ère , 16 juin 1998).

7 L’obligation de sécurité de résultat est une obligation de résultat, comme son nom l’indique : elle permet donc en principe de présumer que l’infection a bien été contractée lors de l’acte médical
Il en résulte donc que la présomption jouera sans que la victime n’ait à prouver qu’elle a contracté l’infection lors de l’intervention médicale.

Mais la Cour de cassation a par la suite tempéré ce principe sur le terrain probatoire : elle affirme en effet qu’ « il appartient au patient de démontrer que l’infection dont il est atteint présente un caractère nosocomial, auquel cas le médecin est tenu d’une obligation de sécurité résultat » dans son arrêt Civ 1ère, 27 mars 2001.

En l’espèce, les juges du fond ont considéré que la victime n’a pas rapporté la preuve qui lui incombe du lien de causalité entre l’acte médical et l’infection et ont retenu que le patient avait regagné son domicile quelques heures après l’intervention, avait fait changer son pansement par un autre médecin quelques jours plus tard et avait pu se livrer à des activités contre-indiquées de nature à favoriser la contamination. Ils en avaient déduit qu’on ne pouvait pas déterminer ce qui était à l’origine de l’infection, dont les premiers signes furent constatés six jours après l’intervention.

Cette charge de la preuve est surprenante, notamment vu ce que nous avons dit précédemment au sujet d’une obligation de résultat : la responsabilité du débiteur est en principe engagée sur la seule preuve de l’inobtention du résultat.

Une présomption de lien de causalité peut être écartée lorsqu’il apparaît que les circonstances rendent invraisemblable le lien.
Mais en l’espèce, les juges retiennent des éléments de nature à peut être pouvoir exonérer la responsabilité du médecin : en effet, rien ne prouvait que l’intervention de l’autre médecin ait causé l’infection ni que l’activité contre-indiquée ait été effectivement pratiquée. Ces éléments ne rendent pas invraisemblable le lien.

Admettons toutefois qu’on ne fasse pas jouer la présomption de droit au profit de la victime.
La JP a souvent recours aux présomptions de fait pour estimer rapporter la preuve du lien de causalité.

Or, la survenance de l’infection dans les 6 jours qui ont suivi l’acte médical n’est t’elle pas de nature à présumer le lien de causalité ?
Si on admet cela, ce ne devrait pas être à la victime de prouver le lien, mais aux établissements de santé et aux médecins de détruire ce lien présumé, par l’exonération de la cause étrangère.

Cette Jp sur le lien de causalité est sévère pour la victime, car la preuve que la contamination ne provient d’aucune autre cause que son séjour dans l’établissement de santé est très difficile à rapporter.

A noter : la JP ultérieure ( notamment 2005 : ex Cass.Civ. 1er mars 2005), pour des infections nosocomiales non concernées par les nouvelles lois (critère temporel étudié après) continue à mettre à la charge du patient ou de ses ayants-droit la preuve du caractère nosocomial.

Pour résumer : jusqu’à présent, la réparation s'opère à l'hôpital public sur le fondement d'une « présomption de faute » (preuve très difficile) et dans les cliniques privées elle s'effectue sur le fondement d'une obligation contractuelle de sécurité de résultat. L'hôpital public peut se libérer de son obligation en prouvant l'existence d'un cas de force majeure, d'une cause étrangère ou encore d'une absence de faute de sa part (quasi impossible) et la clinique privée ne pourrait échapper à sa responsabilité qu'à la seule condition d'établir la cause étrangère ou la force majeure puisque son obligation de sécurité est de résultat.
Les traitements contentieux du CE et de la Cour de cassation, certes différents, apportent la même quasi systématique indemnisation de la victime. Ils détruisent de manière sensible le lien de causalité. (présomptions dans les deux cas difficiles à renverser).
La seule différence vraiment gênante entre les deux autorités est celle de l’admission ou du refus de l’indemnisation des victimes d’infections nosocomiales endogènes.


II - L’intervention du législateur en 2002


Le législateur est enfin intervenu en 2002 : celui ci va entériner une partie de la jurisprudence du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation : en effet la loi facilite grandement l’indemnisation des victimes. Il convient dans un premier temps de définir le domaine d’application de la Loi nouvelle et ensuite de souligner l’originalité du dispositif mis en place

A – Domaine d’application des lois

La Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 appelée Loi Kouchner réforme la prise en charge des préjudices subis par les patients. La loi ne définit pas expressément les « infections nosocomiales » : il s’agissait d’être prudent et de ne pas donner une définition restrictive afin qu’elle ne se révèle pas défavorable pour les patients et pour les médecins. Ce sont donc les tribunaux qui définissent ce terme en fonction des cas concrets.
Cette Loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé permet aux victimes d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes ou nosocomiales, ou à leurs ayants droit, d’obtenir réparation par la voie juridictionnelle.

La Loi de 2002 a crée une distinction entre les établissements de santé et les médecins.
- La responsabilité est présumée pour les établissements de santé, c’est à dire que la victime n’a pas l’obligation de rapporter la preuve, et l’établissement de santé ne peut s’exonérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère, laquelle est quasi impossible à rapporter. En cela la Loi valide complètement la jurisprudence altruiste du CE et de la Cour de cassation.
- Les médecins libéraux sont toutefois exclus de ce régime : il faut donc apporter à leur encontre la preuve de la faute d’asepsie ou de stérilisation.
Rappelons qu’avant cette Loi, la jurisprudence ne distinguait pas : une présomption de responsabilité était retenue à l’égard des établissements de soin et des médecins libéraux.

Résumons le régime juridique :
- Pour les infections nosocomiales antérieures au 5 septembre 2001, le régime juridique est celui de la présomption de responsabilité à l’égard des établissements de santé et des médecins libéraux (voir jurisprudence de 1999).


La Loi peut donc s’appliquer aux instances en cours aux conditions que l’apparition de l’infection soit antérieure à cette date et qu’aucune décision de Justice irrévocable n’ait été prononcée.
- Pour les infections nosocomiales postérieures au 5 septembre 2001, le patient doit rapporter la preuve d’une faute pour engager la responsabilité d’un médecin à raison d’une infection nosocomiale.

La loi du 30 décembre 2002 prévoit dans son article 3 ceci :
Le premier alinéa de l’article 101 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 précitée est ainsi rédigé :
« Les dispositions du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique issues de l'article 98 de la présente loi, à l'exception du chapitre Ier, de l'article L. 1142-2 et de la section 5 du chapitre II, s'appliquent aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée ».
Il résulte de ce texte et de la JP ( ex : Civ 1, 4 avril 2006), pour les infections contractées avant le 5 septembre 2001, même si l’instance est en cours, l’ancien dispositif s’applique.

La prescription de l’action est de 10 ans maintenant (au lieu de 4 en matière administrative et 30 en matière judiciaire)

La Loi impose une obligation d’assurance mais devant ce mouvement massif et quasi automatique d’indemnisation des victimes les assureurs ont pris peur. Ils se sont inquiétés de l’assurabilité du risque et certains ont menacés de se désengager du marché. Un tel dispositif était difficile à maîtriser financièrement.

Le législateur a dû intervenir une nouvelle fois le 30 décembre 2002 afin d’instaurer un régime séparatiste d’indemnisation entre les assureurs et la solidarité nationale.



B- Le dispositif ONIAM – Assureurs

L’Oniam, au titre de la solidarité nationale, peut intervenir de deux manières dans deux hypothèses distinctes :

Dans les deux cas, il y a un seuil de gravité à atteindre pour agir contre l’ONIAM.


· La loi du 4 mars 2002 : art 1142-1 II du CSP

Lorsque la victime d'une infection nosocomiale n'est pas en mesure de réclamer à un responsable, médecins ou établissements de santé la réparation de son dommage, elle peut, à certaines conditions de gravité du dommage, obtenir réparation par l’ONIAM :
8 la victime n'est pas en mesure de rapporter la preuve de la faute d'un médecin
9 lorsqu'un établissement de santé s'est exonéré par la preuve de la cause étrangère.
L'action contre l'Office est donc subsidiaire par rapport à l'action en responsabilité civile contre un médecin ou un établissement de santé.
Elle ne peut intervenir que si les conditions de la responsabilité d'un acteur de santé ne sont pas réunies.


· La loi du 30 décembre 2002 (relative à la responsabilité civile médicale) : article L.1142-1-1 du CSP

Les dommages résultant d'infections nosocomiales contractées dans un établissement, service, ou organisme intervenant en matière de santé, lorsqu’ils sont d’une certaine gravité, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale.

Ce nouvel article ne subordonne pas la compétence de l'ONIAM à l'impossibilité d'agir en responsabilité contre un établissement de santé ou un professionnel de santé.
La compétence de l'Office répond à des conditions positives qui lui sont propres (gravité du dommage).
L'action contre l'Office n'est plus à ce titre subsidiaire.
Il indemnise les dommages graves quand bien même ceux-ci auraient pu être réparés par un assureur de responsabilité.

Cette compétence est elle exclusive ?
Autrement dit, la victime a-t-elle toujours la possibilité d'agir en responsabilité contre un professionnel ou un établissement de santé si les conditions d'une telle responsabilité sont réunies ?
Ou la loi met-elle en place un partage distributif entre les assureurs et l'Office fondé sur le seul critère de gravité du dommage, l'Office prenant en charge les sinistres les plus graves, les assureurs assumant les autres ?

Il semble que la victime puisse toujours agir en responsabilité sur le fondement de l'article L.1142-1 du Code de la santé publique.
En effet, cet article n'a pas été modifié par la loi du 30 décembre 2002.
Il semble donc que le législateur ai voulu créer un nouveau droit pour les victimes qui disposaient déjà d'une action en responsabilité : celui de réclamer une indemnisation à l'Office.
Elle ne leur retire pas le droit d'agir contre un assureur de responsabilité dès lors que les conditions de la responsabilité d'un acteur de santé sont réunies au regard de l'article L.1142-1.
Cependant, les juridictions y répondront si ce problème est allégué.

A souligner : selon la loi du 30 décembre 2002, l'Office peut exercer un recours contre l'assureur dès lors que l'infection a été provoquée par une "faute établie de l'assuré" (art.L. 1142-17 CSP).

Le seuil de gravité du dommage pour les deux hypothèses

Pour les cas, il y a des conditions de gravité du dommage : celles-ci sont les mêmes et posées par le décret afférent ( nouvelle partie réglementaire du Code de santé publique).
Celles-ci suivent et il y a aussi le décès du patient.

Article D1142-1
Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1( taux d'incapacité permanente supérieur à…) est fixé à 24 %.
Un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale présente également le caractère de gravité mentionné à l'article L. 1142-1 lorsque la durée de l'incapacité temporaire de travail résultant de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois.
A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu :
1º Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ;
2º Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence.

JP sur l’application de la loi du 30 décembre 2002 dans le temps :

Le dispositif de l’Oniam de solidarité nationale pour l’invalidité chiffrée ou le décès s’applique t’il à partir du 5 septembre 2001 ou du 1er janvier 2003, date de l’entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 2002 le prévoyant?
Les CA énoncent des solutions différentes :

CAA Marseille (référé) n°05MA01839, 9 mars 2006
application de la loi dans le temps - infection nosocomiale grave - rétroactivité de l’article 1er de la Loi du 30 décembre 2002 aux infections nosocomiales contractées avant le 1er janvier 2003 (oui) - référé provision - contestation sérieuse (non) - condamnation de l’ONIAM à verser une provision (oui) - appel confirmatif de l’ordonnance de référé du TA de Nice rendue le 8 juillet 2005

CA Versailles (référé) n°05/06704, 3 mai 2006
application de la loi dans le temps - infection nosocomiale grave - rétroactivité de l’article 1er de la Loi du 30 décembre 2002 aux infections nosocomiales contractées avant le 1er janvier 2003 (non) - référé provision - appel en garantie de la clinique et de son assureur contre l’ONIAM - contestation sérieuse (non) - condamnation de l’ONIAM à verser une provision (non) - arrêt confirmant l’ordonnance rendue par le TGI de Pontoise le 17 août 2005

= les deux solutions d’application dans le temps du dispositif n°2 de l’ONIAM sont choisies selon les juridictions; cependant, elles proviennent de cours d’appel et non des autorités suprêmes.


Conclusion :

Cette Loi et la jurisprudence antérieure s’inscrivent dans un mouvement d’indemnisation objective des victimes de dommages corporels, en cela son impact dépasse le seul droit de la responsabilité médicale.

Afin d’ouvrir les débats, nous pouvons nous interroger sur les jurisprudences divergentes du CE et de la Cour de cassation en ce qui concerne l’aléa thérapeutique. Le CE reconnaît son indemnisation tandis que la Cour de cassation refuse de mettre à la charge du médecin l’aléa thérapeutique. Deux solutions à l’indemnisation des victimes de l’aléa thérapeutiques pourraient dès lors être avancées : la création d’un fond d’indemnisation ou la création d’une assurance obligatoire supplémentaire à la charge des victimes potentielles.


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