Forum du Master Professionnel Assurances
 
Retour au forum
 

Ajouter une réponse

Pseudo :    S'inscrire ?
Mot de passe :    Mot de passe perdu ?
Icône :
                                
                                
Message :
 
 
 
Smilies personnalisés
 
Options :
Notification par email en cas de réponse
Désactiver les smilies
Activer votre signature
 
 
Dernières réponses
Morgane
LA PREUVE LITTERALE


Au-delà de sa fonction de communication, l’écrit permet de formaliser la volonté de son auteur et de servir de support matériel à cette volonté. Il constitue également un instrument de mémoire, c’est-à-dire de preuve. Il sert donc à la fois à formaliser l’acte juridique et à le prouver. Or selon la maxime, seul un droit susceptible de preuve existe (Idem est non esse et non probari). L’expression écrite de la volonté, qui permet de se préconstituer la preuve d’un droit est donc un élément essentiel de sécurité juridique, principalement en matière de contrats où la prévisibilité est essentielle.

Le système probatoire français s’organise autour de l’écrit qui a conquis une place centrale dans le droit de la preuve et singulièrement dans les contrats. En effet, les actes juridiques doivent être en principe prouvés par un écrit. Reprenant ainsi les prescriptions des textes royaux du XVIe siècle (ordonnance de Moulins), le Code civil prévoit que la preuve des contrats mettant en jeu des intérêts supérieurs à un certain seuil devra se faire par écrit.
Mais même lorsque la preuve est libre, l’écrit apparaît comme l’élément le plus apte à convaincre le juge.
En effet, l’écrit constitue un mode de preuve idéal : il s’agit d’une preuve préconstituée, ménagée à l’avance, antérieure à toute contestation qui a une valeur objective et qui ne s’altère pas avec le temps.

La preuve littérale n’a fait l’objet d’aucune définition jusqu’en 2000. L’article 1316 nouveau du Code civil issu de la loi du 13 mars 2000 donne une définition de l’écrit : « la preuve littérale ou preuve par écrit, résulte d’une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission ».
Aux termes de cette définition, la preuve littérale ne se limite plus au document papier ; elle est rendue totalement indépendante de son support et de son mode de transmission.

La force de la preuve littérale se manifeste à la fois à travers la place qu’elle occupe en droit français (I) et les moyens de preuve par écrit (II).


I. La place de la preuve par écrit en droit commun des contrats et en droit des assurances


A- La preuve des actes juridiques : l’exigence d’une preuve littérale

1) Contenu du principe

Rappel : A la différence des formes solennelles, les formes probatoires ne conditionnent nullement la validité de l’acte juridique. En leur absence, l’acte existe. Simplement, il risque de ne pas pouvoir être prouvé et d’être ainsi privé d’efficacité.

 Droit commun
L’article 1341 du code civil exige une preuve écrite préconstituée. Elle est en général établie au moment de la conclusion du contrat, mais il suffit qu’elle le soit avant que ne surgisse la contestation.

La force du principe se manifeste à un double égard :
- A défaut d’écrit, le contrat ne pourra être prouvé ni par témoignage, ni par présomption ;
- En présence d’un écrit, il est interdit de prouver par témoins ou présomptions contre et outre le contenu de l’écrit.
Celui qui entend démontrer que certaines des énonciations de l’écrit sont contraires à la réalité ou ne rendent pas compte de la totalité de celle-ci ne peut le faire qu’au moyen d’un écrit.

 Droit des assurances
Pour prouver le contrat d’assurance, un écrit est requis par l’article L.112-3 du Code des assurances.
Selon une jurisprudence ancienne et constante, il résulte de ce texte « que si le contrat d’assurance constitue un contrat consensuel parfait dès la rencontre des volontés de l’assureur et de l’assuré, sa preuve est subordonnée à la rédaction d’un écrit » (par ex : Cass. 1ère civ., 14 novembre 1995). Ce principe a été rappelé à de nombreuses reprises par la Cour de cassation qui applique l’arrêt de principe du 1er juillet 1941.
Cette règle s’applique tant lors de la formation même du contrat que lors de sa modification.

Cela signifie qu’en principe on ne peut se prévaloir du contrat d’assurance si l’on ne dispose pas d’un écrit. Tout écrit quel qu’en soit la forme peut être utilisé. La jurisprudence a ainsi élargi la preuve du contrat en admettant que « l’accord des parties au contrat d’assurance peut être établi par toute preuve littérale » (Cass. 1ère civ., 12 juillet 1962).
La jurisprudence se montre donc souple (ex : La Cour de cassation a considéré comme acquise la preuve de la souscription du contrat par lettre de l’agent général déclarant avoir reçu le paiement de la prime (Cass. 1ère civ., 7 octobre 1992).
Mais la Cour de cassation refuse la preuve du contrat d’assurance en l’absence d’écrit ou du moins constitutif d’un commencement de preuve par écrit le rendant vraisemblable et régulièrement complété (Cass. 1ère civ., 10 juillet 2002).
Elle demande ainsi au juge du fond de « relever l’existence d’un document écrit » permettant d’établir l’existence de la garantie ou la modification prétendue du champ de la garantie prévue par le contrat (Cass. 1ère civ., 14 novembre 1995).

2) Domaine du principe

En principe, l’écrit n’est exigé par l’article 1341 du Code civil que pour les contrats qui mettent en jeu des intérêts suffisamment importants pour qu’une telle précaution soit justifiée. Le seuil actuel s’élève à 1500 euros (fixé par le décret du 20 août 2004). En deçà de ce montant, la preuve du contrat est libre.

Pour le contrat d’assurance, l’écrit est nécessaire quelle que soit la somme.

La jurisprudence décide que la portée de l’article 1341 du Code civil est limitée aux relations entre les parties contractantes. Il en résulte que les tiers peuvent faire la preuve par tous moyens d’un acte juridique et qu’ils peuvent également prouver librement contre et outre le contenu de l’écrit présenté.
Il en est de même en droit des assurances. En principe, les tiers au contrat peuvent prouver l’existence du contrat d’assurance par tous moyens. « La preuve par écrit des stipulations d’un contrat d’assurance n’est exigée que dans les rapports entre les parties au contrat et à l’égard de la victime » (Cass. 1ère civ. 9 mai 1996).
Ce principe est en pratique appliqué quand le tiers lésé, exerçant une action directe contre un assureur, se prévaut du contrat d’assurance de responsabilité civile souscrit par l’auteur du dommage. Il peut « rapporter la preuve de l’existence et de l’étendue de celui-ci par tous moyens et notamment par présomptions, lesquelles peuvent être déduites de l’attitude de l’assureur » (Cass. 1ère civ., 17 juillet 1996).
Ce régime s’applique également à l’assureur, subrogé dans les droits du tiers lésé (Cass. 1ère civ., 14 octobre 1997).


B- Les limites à l’exigence de preuve littérale

Si les actes juridiques doivent en principe être prouvés par écrit, toutefois, la règle n’est pas absolue.

1) Par l’effet de la loi

Le Code civil, dès l’origine, a prévu des cas dans lesquels l’exigence de preuve littérale peut être dépassée.

• Même dans le domaine couvert par l’exigence de la preuve littérale, il est toujours possible de suppléer ou combattre l’écrit au moyen d’un aveu ou d’un serment.

• La preuve d’une opération commerciale entre commerçants est libre (Art. L.110-3 C.com). De l’article 1341 alinéa 2 du Code civil, il résulte de l’exigence de la preuve littérale est posée « sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce ». Si l’acte de commerce relève de la catégorie des actes mixtes, c’est-à-dire a été conclu entre un commerçant et un non commerçant, il pourra être prouvé librement à l’encontre du commerçant. En revanche la preuve littérale pourra être exigée par le non commerçant auquel son partenaire veut opposer l’acte.

• La preuve sera libre lorsqu’il s’agit d’établir les défauts dont l’acte peut être atteint : vices du consentement, cause illicite ou immorale, fraude…

• Le commencement de preuve par écrit est une limite importante à l’exigence de preuve littérale. L’article 1347 du Code civil le définit comme l’ « écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée ou de celui qu’il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué ». Dans un tel cas, le demandeur à l’allégation sera autorisé à compléter ce début de preuve en produisant des témoignages ou en articulant des présomptions. La jurisprudence a interprété très largement ce tempérament, allant même jusqu’à détacher de la notion de commencement de preuve par écrit de l’exigence d’un support écrit.

• Enfin, en cas d’impossibilité matérielle ou morale d’établir un écrit, l’article 1348 du Code civil permet au demandeur à l’allégation de prouver le contrat par tous moyens.

2) Par l’effet de la jurisprudence

L’évolution jurisprudentielle a été marquée par une volonté de soustraire autant que possible les parties et le juge à l’exigence d’une preuve littérale, pour admettre une preuve libre dont la force probante dépend non plus de la qualité formelle de la preuve, mais de l’intime conviction du juge.

3) Par l’effet des conventions

Le système probatoire civil n’est pas d’ordre public. Il en résulte que l’exigence d’une preuve littérale ne vaut qu’autant que les parties ne s’en sont pas dispensées. En pratique, les conventions probatoires sont une limite très importante aux exigences de la loi relatives à la preuve des actes juridiques.

De même, en droit des assurances, l’aménagement contractuel des moyens de preuve est possible.
Les parties peuvent certainement convenir que dans leurs relations, qu’un écrit différent par rapport à celui exigé par la loi, servira de preuve de l’établissement d’un nouveau contrat d’assurance, de la modification d’un contrat existant, de la résiliation… En ce sens, dans un arrêt du 5 novembre 1993, la cour d’appel de Lyon a jugé que « la résiliation par l’assuré d’un contrat d’assurance par l’envoi d’une télécopie est valable conformément aux prévisions du contrat, et l’assureur qui a accusé réception de la télécopie, ayant eu connaissance, dans les délais contractuels, de l’intention de l’assuré.



II. Les différentes preuves littérales et leur force probante

A- Les écrits traditionnels

1) Les actes authentiques et les actes sous seing privé

Traditionnellement, les actes rédigés pour faire preuve se subdivisent en deux catégories : les actes authentiques et les actes sous seing privé. Ces écrits ont pour effet de lier le juge. En principe, en présence d’un tel écrit, celui-ci est tenu de considérer que l’acte juridique qui en ressort est prouvé.

a. Les actes authentiques

Définition : Aux termes de l’article 1317 alinéa 1er du Code civil, l’acte authentique est « celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été rédigé, et avec solennités requises ».

Force probante des actes authentiques : La force probante des actes authentiques est très importante. En effet aux termes de l’article 1319 du Code civil, « l’acte authentique fait pleine foi de la convention qu’il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause ». On dit que l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux. Cela signifie que celui qui en conteste l’exactitude ou la sincérité doit s’inscrire en faux au greffe du tribunal et engager la procédure régie par les articles 303 et s. du NCPC.
L’acte authentique fait foi erga omnes.
Mais toute la convention ne bénéficie pas de la pleine foi de l’article 1319 du Code civil. Une distinction est faite entre deux catégories d’énonciations.
 L’acte authentique ne fait foi que pour les faits que le notaire « a énoncés comme les ayant accomplis lui-même ou comme s’étant passés en sa présence, dans l’exercice de ses fonctions » (Cass. req., 15 février 1897 ; Cass. 1ère civ., 4 mars 1981 et 26 mai 1964).
 Les énonciations que l’officier public ne fait que relater, mais qui émanent des parties elles-mêmes, sans qu’une vérification ait eu lieu, ne font foi que jusqu’à preuve contraire. Pourra être ainsi remise en cause toute déclaration de l’acte : le notaire certifie l’existence de la déclaration et non sa sincérité.

Ainsi que l’a affirmé la Cour de cassation, « l’annexion d’un acte sous seing privé à un acte authentique ne lui confère pas la force probante de celui-ci » (Cass. 1ère civ., 19 juin 2001).

Les actes authentiques sont très rares en matière d’assurance et n’appellent pas de commentaire particulier.

b. Les actes sous seing privé

Définition : L’acte sous seing privé est un écrit « établi par les parties elles-mêmes et signé sous leur seule signature et sans intervention d’un officier public ». L’acte sous seing privé est celui qui a été rédigé par des particuliers, soit par les parties elles-mêmes, soit par un mandataire de celles-ci, à l’exception du testament olographe qui doit être rédigé et signé de la main du testateur.
Pour être qualifié d’acte sous seing privé, l’écrit doit être signé par les parties, être établi en autant d’exemplaires que de parties et indiquer le nombre d’exemplaires dressés.

Force probante des actes sous seing privé :
 à l’égard des parties
L’article 1322 du Code civil accorde une force probante très importante aux actes sous seing privé : « l’acte sous seing privé, reconnu par celui auquel on l’oppose, ou légalement tenu pour reconnu, a entre ceux qui l’ont souscrit et leurs héritiers et ayants cause, la même foi que l’acte authentique ». Celui à qui on l’oppose doit pour tenter de le réfuter, dénier formellement sa signature, emportant une procédure de vérification d’écriture. Mais si l’acte sous seing privé est reconnu, la seule façon de prouver contre lui consiste à produire un acte authentique ou un acte sous seing privé plus récent. Entre les parties, toutes les mentions de l’acte font foi, notamment sa date.

 à l’égard des tiers
A l’égard des tiers, l’acte sous seing privé ne fait pas foi de sa date par lui-même. Comme il y a lieu de redouter le risque d’antidate, l’opposabilité de l’acte sous seing privé à l’égard des tiers est subordonnée à la certitude de la date de l’acte. Cette qualité de certitude ne peut résulter que d’un des trois faits déterminés par la loi dans l’article 1328 du Code civil : les actes sous seing privé « n’ont date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l’un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans les actes dressés par des officiers publics, tels que les procès-verbaux de scellés ou d’inventaire ».

En droit des assurances, l’acte sous seing privé est le plus fréquent. La police et les avenants, signés des parties, constituent les actes sous seing privé les plus courants.

2) Les différents écrits en droit des assurances

a. La preuve de l’existence du contrat

Selon l’article L.112-2 du Code des assurances, la preuve du contrat se fait par la production de la police ou de la note de couverture.

 La police d’assurance est le document qui constate l’existence et le contenu du contrat d’assurance, et qui en constitue donc l’élément de preuve. Elle lie le juge, qui est tenu de considérer le contrat comme prouvé.

 La note de couverture est un écrit provisoire constatant l’existence et les modalités d’une garantie avant l’établissement de la police ou de l’avenant. Elle est délivrée par l’assureur ou par un intermédiaire, et permet à l’assuré d’être immédiatement garanti sans attendre la rédaction définitive de la police. La note de couverture n’est soumise à aucune forme et peut être constituée par tout écrit.

Lorsque l’engagement des parties est définitif, la note de couverture constitue la preuve provisoire d’un engagement en attendant la rédaction de la police. La note n’a plus d’effet lorsqu’elle est remplacée par la police ou par un avenant en cas de modification de la garantie.
Cependant, l’urgence peut conduire l’assureur à accorder sa garantie sans avoir examiné la proposition d’assurance qui lui est soumise. Il ne donne alors qu’un accord provisoire en attendant l’examen du risque. Dans ce cas, la note de couverture constitue la preuve d’un engagement temporaire, pour la durée qu’il édicte, et ne constitue pas la preuve que le contrat ait été définitivement conclu (Cass. crim. 24 février 1987), à moins que l’assureur n’ait accepté le versement d’une prime dont le montant excède la durée de la note de couverture.

 L’attestation d’assurance : La jurisprudence assimile les attestations d’assurance, qui contiennent les mentions essentielles, à une note de couverture. L’attestation est un écrit émanant de l’assureur par lequel il admet qu’il est engagé par un contrat. Certaines attestations sont prévues par la loi dans le cadre des assurances obligatoires (automobile, construction, chasse…)

Au niveau probatoire, l’attestation diffère de la note de couverture en ce qu’elle ne constitue qu’une présomption de l’existence du contrat (Cass. 1ère civ., 13 novembre 1986), et non pas une preuve de la garantie.

 La proposition d’assurance peut servir de preuve du contrat d’assurance dans une certaine mesure. Il faut distinguer :
- Du côté de l’assuré
L’article L.112-2 du Code des assurances dénie toute force probante à la proposition d’assurance produite par l’assuré.

- Du côté de l’assureur
L’assureur est en droit de prouver l’existence du contrat grâce à la proposition qui lui a été adressée, dès lors qu’il démontre qu’il a accepté de garantir le risque par exemple en envoyant une police conforme à la proposition (Cass. 1ère civ., 28 février 1989 ; 21 mai 1990 ; 2 juillet 1991).

b. La preuve de la modification du contrat

En ce qui concerne la modification du contrat, c’est, en principe, l’avenant qui fait preuve de l’accord des parties.

 L’avenant : L’article L.112-3 du Code des assurances dispose à l’alinéa 3 que « toute addition ou modification du contrat d’assurance primitif doit être constatée par un avenant signé des parties ». Ce texte est d’ordre public. Dès 1941, la jurisprudence a affirmé qu’un écrit est exigé pour prouver l’avenant (Req. 1er juillet 1941). C’est depuis une jurisprudence constante.

 La proposition de l’assuré peut être utilisée comme moyen de preuve de la modification du contrat d’assurance aussi bien par l’assuré que par l’assureur.
- Du côté de l’assuré
Lorsque la modification résulte du silence de l’assureur à la suite d’une proposition de l’assuré, celui-ci peut en apporter la preuve en produisant sa proposition écrite. ( cette disposition est en quelque sorte un tempérament au principe selon lequel on ne peut se constituer sa propre preuve).

- Du côté de l’assureur
L’assureur est en droit de prouver la modification du contrat grâce à la proposition qui lui a été adressée, dès lors qu’il a accepté de garantir le risque par exemple en envoyant un avenant conforme (Cass. 1ère civ., 4 janvier 1980), même non signé par le souscripteur (Cass. 1ère civ., 6 juin 1990).


B- L’adaptation des preuves littérales aux évolutions technologiques

Les preuves littérales ont été singulièrement bousculées par les progrès de la technique et de la science. Ont été affectées la reproduction des documents ainsi que leur transmission ce qui a conduit le législateur (Loi du 12 juillet 1980) et la jurisprudence à procéder à un certain infléchissement des règles de preuve.
Ultérieurement, la véritable révolution de la technologie de l’information a porté le législateur à procéder à une importante adaptation du droit de la preuve (Loi du 13 mars 2000).

1) L’admissibilité des procédés modernes de reproduction : les copies, photocopies

Toute force probante était, en cas de contestation, refusée aux copies dès lors que l’original ne pouvait être produit pour vérification. En vertu de l’article 1348 du Code civil issu de la loi du 12 juillet 1980, il est désormais efficace de produire une copie, alors même que la production de l’original n’est plus possible. Le législateur leur a conféré une force probante autonome mais à condition de présenter certaines qualités. Il doit s’agir d’une copie qui constitue « une reproduction non seulement fidèle mais aussi durable » de l’original. Et le texte ajoute qu’est réputée durable « toute reproduction indélébile de l’original qui entraîne une modification irréversible du support ».

L’assurance a servi de modèle à l’admissibilité de la photocopie à titre de copie comme mode de preuve. Ainsi, dans un arrêt du 9 mai 1996, la première chambre civile de la Cour de cassation a admis, non à propos du contrat d’assurance lui-même, mais du document par lequel le souscripteur d’une assurance en cas de décès en avait transféré le bénéfice à une personne autre que celle désignée initialement dans la police, que la cour d’appel a fait justement application de l’article 1348 du Code civil en retenant que la photocopie du bulletin de transfert en constituait une reproduction fidèle et durable, et ses énonciations se trouvant corroborées par des témoignages.
La décision a ensuite été confirmée par un arrêt un arrêt du 30 mai 2000, à propos de la photocopie d’un contrat d’assurance. Dans cette espèce, à propos d’une assurance complémentaire, dont l’original du contrat avait été perdu par l’assureur, la première chambre civile de la Cour de cassation admet sans équivoque que le contrat d’assurance peut être légalement prouvé par une photocopie dès lors que celle-ci constitue une copie sincère et fidèle du document original, au sens de l’article 1348 al.2 du Code civil.

2) L’admissibilité des procédés modernes de transmission : télégramme, télex, télécopie

a. Droit commun

Un arrêt du 2 décembre 1997, la chambre commerciale de la Cour de cassation a admis la preuve par télécopie d’un acte d’acceptation d’une cession de créance par bordereau Dailly : « dès lors que son intégrité et l’imputabilité de son contenu à l’auteur désigné ont été vérifiées, ou ne sont pas contestées ».

b. Droit des assurances

Un télégramme, une télécopie, émanant de l’assureur ou de son mandataire, ou encore du souscripteur peuvent être utilisés à titre de preuve. La pratique montre qu’il est fréquent que la note de couverture consiste en un écrit non signé tel qu’une télécopie.
En matière d’assurance, la Cour de cassation a admis qu’un télégramme, non signé constitue la preuve du consentement (Cass. 1ère civ., 12 juillet 1962). Cette règle, exprimée à propos d’un avenant qui modifie la garantie initiale, doit être appliquée à l’ensemble des écrits susceptibles de composer le contrat d’assurance.
Juridiquement, la télécopie est donc admissible en tant que moyen de preuve, mais elle peut donner lieu à discussion quant à son origine, la réalité de son envoi et la date de celui-ci.

3) Les écrits sur support électronique

Conscient des difficultés nouvelles engendrées par le développement de l’informatique, soucieux de tenir compte non seulement des besoins de la pratique mais aussi d’impératifs communautaires, le législateur est intervenu pour élargir les concepts de la preuve littérale et de signature et assouplir les exigences, par la loi du 13 mars 2000 « portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique ». Cette loi transpose la directive européenne définissant « un cadre communautaire pour les signatures électroniques » datant du 13 décembre 1999, elle-même largement inspirée des travaux élaborés par la CNUDCI dès 1996. Elle modifie en profondeur les règles de preuve du Code civil.
a. principes et critiques

Principes :
Il résulte de ce texte deux principes forts :
- l’admission des supports électroniques au même titre que les supports papiers (article 1316-1 Code civil) ;
- l’équivalence de la force probante de l’écrit sur support électronique par rapport à l’écrit sur support papier.

Cependant, des exigences de forme ont été posées pour des raisons de sécurité juridique évidentes. En effet, « pour être admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier », l’écrit doit répondre à une triple condition. Il faut d’une part pouvoir identifier la personne dont le document électronique émane, c’est-à-dire qu’il soit signé et, d’autre part, que l’établissement et la conservation du document électronique soient faits dans des conditions aptes à en garantir l’intégrité, ce qui signifie que le support ne doit pas s’altérer et il ne doit pas non plus être manipulé.

Le législateur a donc établi entre le support papier et le support électronique une égalité parfaite en termes d’efficacité probatoire. Dès lors, s’il répond aux conditions précitées, il ne pourra être prouvé contre et outre le contenu de l’acte numérique que par un autre acte sous seing privé ou authentique.

Se refusant à établir une hiérarchie des preuves littérales, le législateur a préféré s’en remettre à l’appréciation du juge pour trancher les conflits de preuve littérale, ce qui est de nature à engendrer une certaine insécurité juridique que la réforme voulait justement éviter. C’est ainsi que le nouvel article 1316-2 du Code civil prévoit que « lorsque la loi n’a pas fixé d’autres principes, et à défaut de convention valable entre les parties, le juge règle les conflits de preuve littérale en déterminant par tous les moyens le titre le plus vraisemblable, quel qu’en soit le support ».

Certains auteurs ont critiqué l’attribution à l’écrit électronique la même force probante qu’à l’acte sous seing privé que l’article 1322 du Code civile assimile, de son côté, à l’acte authentique dès lors qu’il n’est pas contesté : ce qui aboutit à traiter l’écrit électronique comme un acte authentique. En outre, pour certains, il aurait été plus sage d’admettre que l’écrit électronique puisse être contesté en apportant librement la preuve contraire, à la différence de l’acte sous seing privé traditionnel qui ne peut être combattu que par un autre écrit comme le prévoit l’article 1341 du Code civil.

b. application en droit des assurances

La loi du 13 mars 2000 pose un principe général de reconnaissance de l’écrit électronique à titre de preuve (Article 1316-1 C.civ). Cela signifie qu’un écrit électronique peut valablement servir de preuve d’un contrat d’assurance dès lors que :
- le signataire du contrat peut être identifié
- le contrat d’assurance est établi dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité
- le contrat d’assurance est conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.








CONCLUSION


Le droit de la preuve est dominé par une préoccupation de sécurité. Pendant plusieurs siècles, on a admis que cette sécurité ne pouvait être obtenue que par l’écrit, conçu comme un écrit manuscrit sur un support papier. La primauté de l’écrit conçu comme un écrit-papier est aujourd’hui fortement atténuée avec l’apparition de l’écrit électronique. Mais au-delà de ses évolutions, la preuve littérale conserve toujours une place prédominante. Une loi récente en est une illustration. Ainsi, la loi du 15 décembre 2005 sur l’intermédiation en assurances impose que les informations prodiguées soient consignées sur papier ou tout autre support durable. Ce texte ne fait que consacrer la pratique des professionnels de l’assurance tenus d’un devoir général d’information et de conseil, qui bien que se trouvant à ce titre dans le système de liberté de la preuve, se ménagent par écrit la preuve de l’exécution de leur obligation (Cass. 1ère civ., 25 février 1997).
Morgane
Thème 8 : Les modes de preuve

LE TEMOIGNAGE

La preuve testimoniale se situe à un tout autre niveau que celui de la preuve littérale. Les différences entre ces modes de preuve sont très marquées tant sur le plan de l’admissibilité que sur celui de la force probante.

La loi ne définit pas la preuve testimoniale.

Au sens strict du terme, la preuve par témoins résulte des déclarations (témoignages) des personnes (témoins), qui relatent ce qu’elles ont vu ou entendu. Selon la formule de Bentham : « Les témoins sont les yeux et les oreilles de la justice ». Le témoignage est une preuve imparfaite qui ne lie pas le juge et lui laisse donc un grand pouvoir d’appréciation. Il se distingue de la preuve par commune renommée, relation d’une rumeur publique et non d’un fait personnellement constaté. Cette preuve, courante sous l’Ancien droit, était et reste dangereuse par son imprécision, croissante, au fur et à mesure que l’on s’éloigne du témoignage direct. L’accumulation de ces témoignages n’accroissant pas la probabilité du fait rapporté, elle n’est plus admise qu’à titre exceptionnel.

En revanche, on considère comme témoignage, ayant force probante, le témoignage indirect, par lequel le déclarant rapporte le récit qu’une personne déterminée a fait en sa présence, un tel fait permettant la discussion et le contrôle. Le véritable témoignage est donc recueilli en justice par la procédure de l’enquête.

En matière civile, l’enquête a lieu devant le tribunal entier ou devant un magistrat délégué qui dressera un procès-verbal des dépositions : les mêmes solutions sont applicables en matière administrative, encore que l’enquête soit assez exceptionnelle en raison du caractère écrit de la procédure.

En matière pénale, si les témoins sont entendus une première fois au cours d’une enquête officieuse ou d’une instruction, ils sont réentendus en principe par la juridiction chargée de connaître l’infraction.

Si dans le droit français archaïque, le témoignage avait une grande force probante avec l’adage « Témoins passent lettres », la situation change avec l’apparition du consensualisme. En outre, les progrès de l’écrit, grâce notamment à la découverte de l’imprimerie au XVe siècle et de l’instruction font prendre conscience de la sécurité probatoire que présente la preuve littérale et des faiblesses inhérentes au mécanisme du témoignage. De plus, les témoins peuvent être subornés. En effet, comme le disait Loisel « Qui mieux abreuve, mieux preuve » ou encore Racine «Les témoins sont forts chers et n’en a pas qui veut ». Et même si les témoins sont parfaitement honnêtes, l’incertitude de leur relation peut être source de procès.

Pour cela, l’ordonnance de Moulins de 1566 (confirmée par l’ordonnance de 1567) vient restreindre considérablement le domaine du témoignage en posant le principe de la preuve écrite notamment à propos des actes juridiques, dont les grandes lignes ont été reprises par le Code civil.

Peut-être la méfiance traditionnelle à l’égard de ce procédé est-elle excessive ? Certes, le témoin le plus honnête du monde n’est pas un appareil photographique ou enregistreur et interprète-t-il plus ou moins consciemment ce qu’il a constaté. Malgré tout, il s’agit d’une preuve vivante qui, par tâtonnements, peut aboutir à une vérité satisfaisante (Pascal : « Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger »). Aussi faut-il regretter, qu’en matière civile, le procédé de l’enquête, devant un magistrat qui relate, sous une forme souvent trop impersonnelle, les relations des témoins dans son procès-verbal, tende à figer ce qui devrait rester vivant. Le tribunal, face aux témoins, serait sans doute mieux à même d’apprécier plus exactement la force probante de leur déclaration.

Toutefois, dans toutes les matières où la preuve est libre, et même sous certaines conditions, dans le système de la preuve légale, le témoignage garde une place importante ; il reste le mode de preuve le plus courant lorsqu’une preuve littérale n’a pu être préconstituée. Ainsi, les témoignages sont des modes de preuve essentiels dans les litiges familiaux, notamment les divorces, ou dans les procès en responsabilité, lorsqu’il s’agit de reconstituer l’accident. Le droit de l’administration de la preuve ne prévoit que des incapacités de témoigner touchant ceux dont l’impartialité est sujette à caution.

D’ailleurs, le droit, dans un mouvement de balancier, a facilité les témoignages, en assimilant aux dépositions orales, recueillies dans le cadre d’une enquête, les attestations écrites. Cette assimilation est explicite dans le NCPC (art 199 s.). Le juge peut d’ailleurs toujours décider d’entendre l’auteur d’une attestation (art. 203 NCPC), ce qui montre que le témoignage oral reste le principe, même s’il a cessé d’être le mode le plus courant.

Avant de s’interroger sur la force probante du témoignage en droit civil et en droit des assurances (II), il convient de se poser la question de l’admissibilité, de la place du témoignage en droit civil et en droit des assurances (I).

I - La place du témoignage en droit civil et en droit des assurances

Si le principe en droit civil est l’admission du témoignage comme mode de preuve (A), il n’en va pas de même en droit des assurances où le principe est la prohibition du témoignage comme mode de preuve (B).

A/ L’admission partielle du témoignage en droit civil

Si le système de preuve, en matière civile, est mixte, cela tient principalement à ce que le droit civil distingue les faits et les actes juridiques, pour les soumettre à deux régimes de preuve différents. Il est donc normal que l’éventail des modes de preuve admis soit plus restreint que lorsqu’il s’agit de faits juridiques.

L’admission du témoignage pour les faits juridiques :

Le principe de la preuve libre :
Le fait juridique est un événement auquel le système juridique attache un effet de droit. Il est, en principe, soumis à un système de preuve libre (preuve morale) : tous les modes de preuve peuvent être employés pour établir le fait considéré. Cette liberté habilite, en particulier, le témoignage (Civ. 24 déc. 1919). Ce principe s’applique surtout aux litiges familiaux et à la responsabilité civile. Ainsi, le témoignage est le mode ordinaire de preuve des faits juridiques.



L’exception de la preuve légale :
Dans certaines situations pour lesquelles la preuve préconstituée d’un fait juridique est possible, la loi exige un mode de preuve déterminé. Cela revient à adopter le système de la preuve légale. Cela est le cas pour l’état civil et la filiation.

L’exclusion du témoignage pour les actes juridiques :

Le principe de la preuve légale :
Aux termes de l’article 1341 du Code civil :
« (…) Il n’est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors, ou depuis les actes (…) ».
Cette disposition n’est applicable qu’aux actes juridiques qui ont pour résultat immédiat et nécessaire de créer, transférer, confirmer ou reconnaître, modifier ou éteindre des obligations ou des droits.
Pour les actes juridiques la loi consacre un système dominant de preuves légales. Le principe est alors, en effet, que la preuve doit être préconstituée, c’est-à-dire que les parties doivent se ménager la preuve des actes qu’ils concluent par la confection d’un écrit. On ne peut ainsi rien prouver par témoins contre le contenu de l’acte, c’est-à-dire de contraire aux énonciations dispositives de cet acte ni outre ce contenu, c’est-à-dire rien qu’on prétendrait avoir omis. Cette exigence de la preuve par écrit comporte diverses exceptions qui permettent, parfois, de réintroduire le témoignage dans le mécanisme de la preuve. Le témoignage est, en effet, un mode de preuve qui a aussi sa place dans un système de preuve légale et son domaine s’accroît, au fur et à mesure, que les exceptions à l’exigence d’une preuve littérale en la matière se multiplient.
L’exception de la preuve libre :
Ainsi, le principe, que les actes juridiques doivent être prouvés par écrit, suppose diverses exceptions qui réhabilitent le témoignage. Comme l’affirme R. Savatier «Il y a un assouplissement progressif, et, pour ainsi dire, instinctif, du formalisme par le juge».
Cette admission exceptionnelle du témoignage comme mode de preuve d’un acte juridique se produit dans sept hypothèses :

- Celle où la valeur des intérêts qui font l’objet de l’acte juridique est inférieure ou égale à 1500 euros (article 1341 du Code civil).

- Celle où il existe un commencement de preuve par écrit.
Le commencement de preuve par écrit (article 1347 du Code civil) se définit comme «Tout acte écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu’il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué ». Il s’agit donc d’un document écrit quelconque, par exemple une lettre, qui dépourvue de la valeur d’acte écrit (authentique ou sous seing privé), rend cependant vraisemblable l’allégation du demandeur en raison de son contenu et de son origine. La notion de commencement de preuve par écrit est entendue largement et un écrit n’est pas toujours nécessaire.

- Celle de l’impossibilité de preuve par écrit.
L’impossibilité de preuve par écrit (article 1348 du Code civil) concerne le cas où une partie, soit n’a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l’acte juridique, soit a perdu le titre qui lui servait de preuve, par suite d’un cas de force majeure. A ces hypothèses traditionnelles, la loi du 12 juillet 1980 a ajouté celle où la partie n’a pas conservé le titre original et présente une copie qui en est la reproduction fidèle mais aussi durable : la formule vise les photocopies.
Le demandeur qui aura pu établir l’existence d’un commencement de preuve par écrit ou d’une impossibilité de preuve par écrit, devra ensuite justifier ses prétentions en produisant les témoignages propres à entraîner la conviction du juge.

- Celle de la copie fidèle et durable. Aux termes de l’article 1348 alinéa 2 du Code civil, la preuve est libre en présence d’une copie fidèle et durable de l’acte sous seing privé dont une partie ou le dépositaire n’a pas conservé l’original.

- Celle de la perte du titre par force majeure (1348 alinéa 1 du Code civil).

- Celle du dol ou de la fraude : lorsqu’un acte est attaqué pour dol ou fraude, la preuve est libre.

- En matière commerciale, la preuve est libre. C’est ainsi que l’article L. 110-3 du Code de commerce énonce : « A l’égard de commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens ». La preuve testimoniale est donc toujours admissible pour prouver la naissance et l’extinction des engagements commerciaux (Civ. 3 févr. 1904).

De plus, les dispositions de l’article 1341 du Code civil ne sont pas d’ordre public. L’exigence d’une preuve littérale ne vaut qu’autant que les parties ne s’en sont pas dispensées (Civ. 1re 5 nov. 1952). Et, pour les droits dont les parties ont la libre disposition, les conventions relatives à la preuve sont licites (Civ. 1re 8 nov. 1989).

Toutefois, la défense de prouver par témoins, énoncée par l’article 1341 ne concerne que les parties contractantes (Cass. soc. 11 oct. 1967). Il est permis aux tiers de contester, par tous modes de preuve, la sincérité des énonciations contenues dans les écrits qu’on leur oppose, mais il appartient aux parties à un acte d’en rapporter la preuve contre les tiers dans les termes du droit commun (Cass. 3e civ. 15 mai 1974). Cette distinction du droit commun a inspiré le droit des assurances qui, s’il déroge au droit commun en prohibant le témoignage par principe, admet des exceptions qu’il réglemente exactement de la même façon que le droit commun en distinguant les parties et les tiers.

B/ Le principe de l’exclusion du témoignage en droit des assurances

La Cour de cassation rappelle que le principe fondamental en matière de preuve du contrat d’assurance est issu de l’article L112-3 alinéa 1 du Code des assurances et cette règle est appliquée tant de la formation même du contrat que de sa modification : « Le contrat d’assurance est rédigé par écrit » (Cass. 1re civ. 14 nov. 1995). Toutefois, en ce qui concerne les moyens de preuve, la portée de cette affirmation doit être nuancée en ce qui concerne les parties au contrat et vis-à-vis des tiers.

Le principe de l’exclusion du témoignage entre les parties :

La preuve de l’existence du contrat d’assurance relève de la règle de l’écrit. Cela signifie, qu’en principe, on ne peut se prévaloir du contrat d’assurance si l’on ne dispose pas d’un écrit. En conséquence, la preuve par témoins est toujours écartée même pour un intérêt inférieur à 1500 euros, ou lorsque le contrat d’assurance est de nature commerciale (Cass. 1re civ. 22 février 1954). Cette règle se distingue de celle posée par l’article 1341 du Code civil en ce que celui-ci vise la preuve littérale quand la somme en jeu est supérieure à un montant fixé par décret, actuellement 1500 euros. Pour le contrat d’assurance, l’écrit est nécessaire, quelle que soit la somme. En effet, même si le contrat est consensuel, la preuve par témoins est prohibée car jugée trop dangereuse étant donné que ce contrat complexe s’échelonne dans le temps. L’écrit sauvegarde les intérêts de tous. La Cour de cassation rappelle régulièrement que le contrat d’assurance ne peut être prouvé que si la partie, qui en revendique l’existence, produit un écrit émanant de l’autre partie et faisant preuve du contrat ou rendant vraisemblable son existence (Cass. 1re civ. 10 juillet 2002). Cependant, cette règle est atténuée par le fait que l’assureur peut être un commerçant. Dans ce cas, l’assuré non commerçant peut prouver librement. Ce ne sera pas le cas si l’assureur est une mutuelle (Cass. 1re civ. 22 octobre 1996).

Il ne suffit pas de rapporter la preuve de l’existence du contrat, il faut aussi prouver son contenu. Dans ce cas-là, les mêmes règles concernant la charge et les moyens de preuve seront appliquées. Il convient cependant de faire une différence. Le contrat prévoit l’attribution d’une garantie dans des cas déterminés. Si les règles concernant la charge de la preuve sont les mêmes, les moyens de preuve changent car il s’agira la plupart du temps de prouver des faits. Ainsi, concernant l’assurance des accidents corporels, la preuve de l’obligation de l’assureur résulte d’un écrit pour le contrat et de tous moyens pour l’accident.
Puisque seul l’écrit est cité par l’article L 112-3 du Code des assurances, on devrait exclure tous les autres moyens de preuve, or tel n’est donc pas le cas.

En résumé, l’article L 112-3 du Code des assurances qui exige un écrit en matière de droit des assurances a pour seule portée d’exclure le témoignage auquel on ne peut avoir recours, pour démontrer le consentement de l’une des parties au contrat d’assurance.
Il faut cependant rappeler que la Cour de cassation établit une subtile distinction entre fait juridique et acte juridique, la renonciation à l’assurance relevant de ce dernier et ne pouvant donc être prouvé par témoin (Cass. 1re civ. 12 juin 1956).

L’admission du témoignage à l’égard des tiers :

La preuve par écrit des stipulations d’un contrat d’assurance n’est exigée que dans les rapports entre les parties au contrat et à l’égard de la victime (Cass. 1re civ. 9 mai 1996). Comme en droit commun, le témoignage est donc admis à l’égard des tiers.
En droit des assurances, la question se pose assez souvent. Le tiers, c’est d’abord le bénéficiaire d’un contrat d’assurance décès qui devra démontrer son existence pour pouvoir recevoir l’indemnité. Le tiers, ce peut être aussi la victime de l’assuré, qui exercera contre l’assureur l’action directe. A l’égard des tiers, le principe n’est plus le même. Le contrat, est pour eux, un fait juridique qu’ils peuvent prouver par tout moyen. En matière de contrat d’assurance, la preuve du contrat est toujours libre à l’égard des tiers et ce régime s’applique également à l’assureur subrogé dans les droits du tiers lésé (Cass. 1re civ. 14 octobre 1997). Ils doivent le prouver puisque la qualité de tiers ne modifie pas la charge de la preuve. Parfois, leur situation sera simplifiée lorsqu’une loi d’indemnisation aura prévu qu’on leur communique le nom de l’assureur et le numéro de la police d’assurance. Dans ces cas-là, l’assurance en question est une assurance obligatoire. La preuve de son contenu est facilitée car il est, en grande partie, fixé par un texte.

En tout état de cause, a été jugé recevable le témoignage lorsqu’il est apporté à la suite d’un commencement de preuve par écrit (TI Saint-Denis, 12 mars 1965). La règle de 1347 du Code civil admet la recevabilité de la preuve par témoins ou par présomptions dès lors qu’il existe un commencement de preuve par écrit. Cette règle a été réaffirmée en droit des assurances par un arrêt récent (Cass. 1re civ. 10 juillet 2002).
En fait, la jurisprudence française a fini par appliquer au contrat d’assurance les mêmes dérogations à la preuve écrite que celles prévues par le droit commun de la preuve. De toutes manières, on doit avoir à l’esprit qu’une jurisprudence des plus constantes déclare que les articles 1341 et suivants du Code civil, relatifs à la preuve par écrit, ne sont pas d’ordre public et que la liberté contractuelle peut valoir en ce domaine (Cass. 1re civ. 5 nov.1952). Il suffit donc de prévoir dans le contrat d’assurance une clause ou bien atténuant l’exigence de l’écrit ou bien étendant la notion d’écrit aux moyens modernes.

II - La valeur du témoignage en droit civil et en droit des assurances

La valeur du témoignage en droit civil (A) est la même qu’en droit des assurances ce qui démontre l’influence du droit civil sur le droit des assurances (B).

A/ La valeur probante du témoignage en droit civil

Le souci du législateur a été de rendre les enquêtes rapides et efficaces grâce aux larges pouvoirs conférés au juge. Il peut ordonner une enquête d’office, il apprécie souverainement le caractère pertinent et précis des faits dont la preuve est offerte, il lui est loisible de poser aux témoins les questions qu’il croit utiles. Une fois les témoignages recueillis, il appartient au juge d’en apprécier la valeur probante. Il tiendra valablement compte des aptitudes physiques ou psychiques des témoins.

Le témoignage est lié à une conception libre de la preuve, qui n’accorde pas de primauté à l’écrit. Un tel système repose sur la puissance concrète de conviction de la preuve proposée. Tous moyens peuvent donc être articulés devant le juge dès lors qu’ils sont loyaux, leur force probante étant appréciée souverainement.
La force probante du témoignage en droit civil est donc de pur fait : elle dépend de la force de conviction qu’ils peuvent exercer sur l’esprit du juge. Cette liberté est rendue nécessaire par la relative fragilité et l’incertitude congénitale de ce procédé de preuve. Les juges du fond ont donc un pouvoir souverain pour apprécier la pertinence des témoignages proposés (Cass. civ. 2e 18 janv. 1984).
Cette même considération explique que les témoignages soient généralement écartés des débats dans tous les cas où il est possible et naturel de préconstituer une preuve en établissant un acte écrit : c’est le cas des actes juridiques.
L’ancienne règle « testis unis testis nullus », qui refusait toute force probante à un témoignage isolé, n’a pas été maintenue : un témoin unique n’est pas récusable pour ce seul fait ; il appartient simplement au juge d’être particulièrement prudent dans l’appréciation d’un tel témoignage. Cela rapproche la force probante du témoignage de celle attachée à la présomption puisque la jurisprudence a admis que le juge pouvait former sa conviction sur une présomption unique. Ce n’est pas parce qu’un fait a été déclaré pertinent qu’après enquête, il doit être considéré comme prouvé. L’indivisibilité n’existe pas dans ce domaine. Le juge peut ne retenir qu’une partie du témoignage (Cass. civ.1er févr. 1990).
Ainsi, tandis que la preuve littérale régulière fait foi, la preuve testimoniale même si elle est correctement apportée aux débats, ne lie pas le juge qui reste libre de former sa conviction comme il l’entend.





B/ La valeur probante du témoignage en droit des assurances

Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain, comme en droit civil, pour apprécier la pertinence des témoignages. Dans les matières où la loi admet la preuve testimoniale, le juge peut, par voie de présomption, établir la réalité d’un fait inconnu à partir de faits connus (TGI Paris 15 juillet 1991). Malgré ses termes, la loi ne s’oppose pas à ce que les juges fondent leur conviction sur un fait unique, si celui-ci leur paraît de nature à faire la preuve nécessaire. L’absence de protestation ou de réserve de la part du titulaire d’un compte bancaire après réception des relevés de compte permet de présumer que les opérations ont été faites avec son accord (Cass. com. 13 mai 1997). Cette solution serait transposable au paiement de primes d’assurance par prélèvements bancaires. Les présomptions fondant la conviction des juges peuvent reposer sur des certificats ou attestations, même si les déclarations qui leur servent de fondement n’ont pas été émises dans les formes judiciaires (Cass. 1re civ. 15 juin 1954).

Les juges du fond ont un pouvoir souverain d’appréciation du caractère probant d’un témoignage, qui échappe même au contrôle de la Cour de cassation, dans la mesure où il s’agit d’une question de fait (Civ. 2e 18 janv. 1984). Cette règle est normale, car souvent, même de bonne foi, les témoins déforment la réalité.

Le témoignage a donc une force probante moindre que celle attachée à l’écrit. C’est une différence essentielle avec notre ancien droit. On disait encore que la « vox viva » des témoins était préférable à la « vox mortua » des actes écrits. Le principe s’est donc inversé et l’adage est devenu « Lettres passent témoins ».

Conclusion :

Le droit des assurances a été au départ réticent et dérogatoire au mode de preuve du témoignage du droit civil car c’est un contrat complexe, s’échelonnant dans le temps et qui a des conséquences sur les tiers. Le droit de la preuve en matière d’assurance s’est peu à peu assoupli et inspiré des règles concernant le témoignage en droit civil. Quant à la valeur probatoire du témoignage en droit des assurances, celle-ci est calquée sur celle du droit civil.
L’avant-projet Catala reprend les solutions du Code civil en matière de témoignage.
Malgré son déclin, c’est la preuve la plus usitée en matière pénale et toutes les législations répriment le faux témoignage, qui est l’altération consciente de la vérité, commise par une personne, déposant sous serment, devant une juridiction, qui, à défaut de rétractation spontanée avant la clôture des débats, expose son auteur à des peines variables, notamment suivant les peines encourues par la personne poursuivie (article 434-13 s. du Code pénal). En effet, comme l’affirme Anatole France : « Quand l’homme qui témoigne est armé d’un sabre, c’est le sabre qu’il faut entendre et non l’homme ».
 
Retour au forum
 
créer forum