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Anne-Laure
Suite et fin

C’est oublier le fait que la Cour de cassation se fonde sur un article qui n’est finalement comme le dis M Chabas qu’un prétexte. Et comme le dis très justement un auteur qui ne nous ait pas inconnu que ce soit pour approuver ou condamner la jurisprudence Blieck et ses suites, évitons les arguments fondés sur la lettre ou pire sur l’esprit de l’article 1384 alinéa 1er !.
Pour apprécier la règle jurisprudentielle nouvelle, son domaine et son régime, il convient de s’appuyer exclusivement sur des arguments de politique juridique, tout le reste n’est que vaine littérature.
Morgane
Voici l'exposé de Pierre et William:

Le Régime de la Responsabilité Générale du Fait d’Autrui



On aimeraient commencer par une citation de Josserand « Le juge a été l’âme du progrès juridique l’artisan laborieux du droit nouveau contre les formules veilllies du droit traditionnel ». Cette phrase symbolise tout l’état d’esprit d’une jurisprudence qui, dans une logique indemnitaire, a construit tout un système de responsabilité fondée sur des questions d’opportunités.
L’article 1384 alinéa 1er énonce « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ».

Au début du 20ème siècle un débat anima la doctrine sur la possibilité de dégager une portée normative de cet article notamment à la suite de l’arrêt Jand’heur de 1930 qui consacra la responsabilité du fait des choses. En effet, un principe comparable pouvait-il être dégagé pour le fait d’autrui ?
La majorité des auteurs restaient hostile à un principe général du fait d’autrui notamment en expliquant que le contexte qui avait nécessité l’avènement d’une responsabilité général du fait des choses, le développement industriel et les accidents qu’il provoqua, ne se retrouvait pas en matière de personnes.
C’est dans cette voie que s’orienta la jurisprudence, la Cour de cassation refusant de reconnaître une responsabilité générale du fait d’autrui (2e C.Civ 15 février 1956, 24 novembre 1976).

Cependant le développement dans la 2nd moitié du 20 siècle de nouvelles méthodes d’éducation et de traitement libérales de personnes telles que des handicapés, délinquants, mineurs en difficultés multiplia les occasions de dommages causé à des tiers.
Ce faisant la position de la jurisprudence encourait de plus en plus la critique, étant à contre courant de la logique indemnitaire de notre droit de la responsabilité, et cela d’autant plus que la jurisprudence administrative avait admis depuis les années 60 une responsabilité relatif aux dommages causés par le fait des personnes soumis à la garde d’établissement public fondée la notion de risque social.
Dès lors, il paraissait injuste que le sort de la victime diffère selon le contentieux soit porté devant le juge judiciaire ou administratif.

Ces raisons devaient entraîner une inflexion de la jurisprudence qui est intervenu à travers l’arrêt Blieck de l’assemblé plénière de la Cour de cassation en date du 29 mars 1991. En l’espèce, un handicapé mental été placé dans un centre d’aide par le travail géré par une association privée et auquel on avait été confié un travail de débroussaillage. Ce dernier déclenche volontairement un incendie. Les propriétaires de la forêt exercent alors une action en responsabilité contre l’association. La Cour de cassation, approuvant la Cour d’appel, reconnaît la responsabilité de cette dernière au visa de l’article 1384 alinéa 1er.
Cet arrêt qui ne pose pas un principe général de responsabilité du fait d’autrui, se limite finalement à énoncer que les cas de l’article 1384 alinéa 1er ne sont pas limitatives.

Cet arrêt ne constitue pas la fin d’une évolution mais bien l’amorce d’une construction jurisprudentielle qui en est ses balbutiements apportant son lot d’incertitudes et de questions.
En effet, la question que l’on pouvait légitimement se poser était de savoir si l’arrêt Blieck se limitait à poser un nouveau régime spécial de responsabilité du fait d’autrui se rajoutant à ceux déjà existant ou posait-il une responsabilité général du fait d’autrui qui aurait une portée beaucoup plus large ayant vocation à s’appliquer de façon résiduelle par rapport aux différents cas énoncé à l’article 1384 alinéa 1er . Cette interrogation allait s’amplifier après les arrêts de 1995 sur les associations sportives, précisant de même la problématique .
En effet, la différence des faits pouvait alors nous faire douter sur point de savoir si ces arrêts constituait un prolongement de l’arrêt Blieck ou alors ne posaient-ils pas finalement un régime distinct de ce lui dégagé par cet arrêt prenant ainsi son autonomie ?

Une ambiguïté demeure aujourd’hui. Au delà de la question de l’existence d’un principe d’une responsabilité général du fait d’autrui qui est de moins en moins contestée, une analyse rigoureuse de la jurisprudence entretien les débats quant à l’unicité des du régime. Il semblerait en effet, que sous le coup d’un principe unique, la Cour de cassation ait dégagé deux régimes distincts qui présentent néanmoins des similitudes.

A l’heure actuelle, la seule certitude dont nous disposons est l’évolution de la Cour de cassation vers une responsabilité de plus en plus objective. Ce mouvement caractérisant l’ensemble de notre droit de la responsabilité, ne pouvait pas ne pas influencer le régime de la responsabilité générale du fait d’autrui.

Ce faisant force de constater que dans l’unicité d’un principe, la cour semblerait rechercher la diversité des régimes, et ce par soucis de se préserver une marge de manœuvre suffisante à l’élaboration d’une responsabilité générale du fait d’autrui favorable à l’indemnisation des victimes. Du même coup c’est cette volonté d’indemnisation qui la pousse à adopter un système de présomption identique et rigoureux . Aussi, nous efforcerons-nous de vous démontrer, au travers de cette étude, que si cette notion de dualité subsiste quant à l’édification des conditions de mise en œuvre de cette nouvelle responsabilité générale du fait d’autrui (I), le régime applicable quant aux causes d’exonération semble être plus homogène et témoigne sans conteste de la nature objective de cette responsabilité (II).



I. L’édification des conditions de mise en œuvre de l’a. 1384, al. 1er : œuvre duale ou unitaire ?

L’étude jurisprudentielle consécutive à l’arrêt Blieck nous laisse à penser que cet arrêt novateur, en ce sens qu’il a le premier affirmé que les cas spéciaux de responsabilité du fait d’autrui n’étaient pas limitativement énumérés par 1384, al. 1er cc, n’a pas prétendu pour autant vouloir établir un régime unitaire de responsabilité générale du fait d’autrui fondée sur 1384, al. 1er .
Ainsi, depuis et à partir de l’arrêt Blieck, certains auteurs (et nous les approuvons) pensent que deux régimes distincts quant aux conditions exigées pour la mise en œuvre de l’article 1384, al. 1er semblent s’être dessinés : l’un reposerait sur la notion de garde d’autrui, l’autre aurait quant à lui vocation à s’appliquer lorsque le civilement responsable exerce un contrôle sur l’activité d’autrui.
Néanmoins, de ces deux régimes en apparence distincts, on peut dégager des traits communs qui arguent en faveur de l’existence d’un régime unitaire.

C’est pourquoi, si on peut déduire ou tirer de l’arrêt Blieck et de l’évolution postérieure de la jurisprudence, que la mise en œuvre de la responsabilité générale du fait d’autrui fondée sur l’article 1384, al. 1er exige d’une part l’établissement d’un rapport d’autorité entre le civilement responsable et l’auteur du dommage (A), il ressort également des arrêts de la Cour de cassation que les juges ont d’autre part fait le choix du maintien de la condition préalable d’une responsabilité personnelle de l’auteur du dommage, et ce semble-t-il par souci de protéger le civilement responsable contre l’objectivité de la responsabilité qui lui incombe (B).



A. 1ère condition : l’exigence d’un rapport d’autorité entre le civilement responsable et l’auteur du dommage.

Si l’arrêt Blieck de l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation du 29 mars 1991 a dégagé, le premier, les conditions d’application de l’article 1384, al. 1er en fondant le pouvoir d’autorité du civilement responsable sur l’auteur du dommage sur le critère de garde (1), nous verrons que la jurisprudence postérieure ou devrais-je dire « l’extension de la jurisprudence Blieck »- si l’on adopte une conception unitaire du régime- a dégagé un autre cas d’application de l’a. 1384, al. 1er, qui s’éloigne notablement de l’idée de garde d’autrui, la responsabilité étant alors en effet fondée sur le contrôle de l’activité d’autrui (2) (c’est l’hypothèse de la responsabilité des associations sportives du fait de l’activité de leurs membres).
Nous verrons alors si ces deux applications sont compatibles et peuvent faire l’objet d’une conception unitaire (3).

1) Le pouvoir d’autorité reposant sur la notion de garde d’autrui : la jurisprudence Blieck et sa descendance.


Dans cet arrêt, la Cour admet pour la première fois la responsabilité d’un Centre éducatif (centre d’aide pour le travail) pour les dommages causés par les personnes handicapées mentales qu’il était chargé de recevoir et d’encadrer, et dont il « avait accepté la charge d’organiser et de contrôler, à titre permanent le mode de vie ».
Cet arrêt nous livre plusieurs enseignements quant aux conditions initiales exigées en ce temps par la Cour.

Le critère de la RGFA semble résider dans le pouvoir « d’organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie » du responsable primaire, auteur réel du dommage. Que faut-il entendre par là ?
L’idée « d’organisation du mode de vie » implique la définition d’un but, en l’espèce, la réadaptation du handicapé, et l’orientation de l’activité d’autrui vers ce but, grâce à une autorité qui s’apparente à l’autorité parentale (même si c différent).
D’autre part, quant au « contrôle du mode de vie », ne désigne-t-il pas, sinon l’hébergement direct par la personne qui assume la responsabilité, du moins le contrôle de l’hébergement ainsi que des activités essentielles de l’intéressé, en particulier de sa profession s’il en exerce une.
Tout ceci s’apparente très fortement à la notion de garde, mais ici transposée des choses aux personnes. En effet, depuis un arrêt des chambres réunies de la Cour de cassation : Connot c/ Franck du 2 décembre 1941, rendu en matière de responsabilité du fait des choses, on sait que la garde suppose des pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle de la chose. Le parallèle en la matière depuis l’arrêt Blieck est manifeste.

Juste une parenthèse : Les auteurs se sont interrogés sur le fait de savoir si le caractère potentiellement dangereux de l’auteur du dommage constituait ou non une condition d’application de 1384, al. 1er, et ceci en raison même du contexte particulier dans lequel a été pris l’arrêt Blieck ?
En effet, cet autrui n’est pas ordinaire : c’est un handicapé mental potentiellement dangereux, à risque. La jurisprudence qui s’inscrivit dans la lignée de l’arrêt Blieck pouvait le laisser penser en effet dans la mesure où les tribunaux n’avaient recours au fondement de 1384, al. 1er tel qu’interprêté par l’arrêt Blieck que dans des hypothèses visant la prise en charge de personnes inadaptées :
- associations ayant la garde d’adultes handicapés
- organismes prenant en charge des mineurs dans le cadre de mesures d’assistance éducative (Cass. crim. 10 octobre 1996).

Mais l’extension de cette responsabilité à des associations sportives ou de chasse, dont les membres ne peuvent tout de même pas être qualifiés de personnes « potentiellement dangereuses », démontre que la Cour n’a jamais entendu ériger cette circonstance en condition d’application de l’article 1384, al. 1er cc. + arrêt des Majorettes 2002
Rq : Mais encore une fois, tt est une Q d’interprétation.

Revenons à notre critère principal. La jurisprudence Blieck, je vous disais, fonde la responsabilité de l’article 1384, al. 1er sur la notion de garde. La jurisprudence postérieure s’y réfère d’ailleurs expressement en énonçant que celle-ci n’est pas fondée sur l’autorité parentale mais sur la garde (Crim. 10 octobre 1996). Encore faut-il déterminer la nature précise de celle-ci.

S’agit-il d’une garde matérielle ou d’une garde juridique ? (// avec responsabilité du fait des choses). Autrement dit, est responsable la personne qui exerçait, au moment de la réalisation du dommage, de manière effective sur l’auteur du dommage des pouvoirs d’organisation et de contrôle de son mode de vie, et ce indépendamment de toute habilitation juridique ou plutôt, seul sera responsable de plein droit au sens de l’article 1384, al. 1er la personne qui disposait juridiquement de ces pouvoirs au moment de la réalisation du fait dommageable, alors qu’au vu des circonstances, il n’avait au moment du dommage aucune garde matérielle sur la personne dont il était de droit habilité à répondre ?

La jurisprudence postérieure témoigne d’une évolution certaine vers la notion de garde juridique et conforte la position déjà adoptée par l’arrêt Blieck. Pour s’en convaincre, il convient dans un 1er tps de s’intéresser de plus près aux conditions de placement d’autrui.

En effet, la jurisprudence actuelle semble apprécier la notion de garde juridique au regard des conditions de placement de la personne dont on a la garde au sens de l’article 1384, al. 1er cc. La jurisprudence Blieck, et sa descendance visent des hypothèses de responsabilité d’associations, de centres d’accueil qui se sont vu investir d’un pouvoir d’autorité sur autrui suite au prononcé d’une décision de justice, ou sur le fondement de l’a. 375-1cc relatif aux mesures d’assistance éducative, ou encore lorsque l’auteur du dommage a été placé sous la garde du civilement responsable suite à une décision prise dans le cadre de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante (mineur délinquant). Déjà, dans l’arrêt Blieck, la source du pouvoir n’apparaissait pas indifférente, les conditions de placement se faisant sur ordre exprès de la loi ou du juge. A tel point qu’on pouvait se demander si cette habilitation par une autorité publique était une condition d’application de l’a. 1384, al.1er ? Au quel cas, cela exclurait la simple habilitation conventionnelle (hyp. : placement d’un enfant handicapé ds un institut spécialisé uniquement sur l’initiative de ses parents). Un arrêt récent de la Cour de cassation répond de façon positive concernant le placement d’un mineur handicapé au sein d’un institut médico-psychologique.

Cass. 2ème civ., 24 mai 2006, n°04-17.495

En l’espèce, le mineur handicapé avait été confié non pas à la suite d’un placement imposé, mais à la suite d’une orientation proposée aux parents (décision d’orientation d’une Commission départementale d’action sociale). L’enfant est blessé par un autre enfant de l’institut. Les parents de l’enfant mineur intentent une action en responsabilité contre l’association sur le fondement de l’a. 1384, al. 1er cc. La CA fait droit à leur demande mais la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au motif que « la responsabilité de l’association ne pouvait être retenue du chef de la situation personnelle de la victime mais exclusivement au regard des conditions de placement du mineur ayant commis le fait dommageable ».
En l’espèce, la Cour de cassation ne retient donc pas la responsabilité de plein droit de l’association en application de 1384, al. 1er cc car l’enfant n’avait pas été confié par suite d’ une décision de justice.
Cet arrêt démontre bien que la Cour est très attentive aux conditions de placement d’autrui pour l’application de l’article 1384, al. 1er. Il semblerait qu’il faille que le gardien ait été investi d’une mission d’OP de protection.
Toutefois, peut-on parler de condition générale de mise en œuvre de l’a. 1384, al. 1er ? En effet, s’il apparaît qu’une décision de l’autorité publique est nécessaire pour que les associations auxquelles sont confiés des mineurs soient responsables de leurs faits, cette jurisprudence ne s’inscrit que dans le cadre du placement d’un mineur handicapé. La Cour n’a pas eu encore l’occasion de se prononcer dans une pareille hypothèse en ce qui concerne le placement d’un majeur handicapé par exemple. Mais si l’on considère que la jurisprudence Blieck et sa descendance s’inscrivent dans une conception unitaire du régime, il y a tout lieu de penser que la Cour adopterait la même position.
Par ailleurs, cette solution est parfaitement conforme à la motivation employée par l’arrêt Blieck initialement, qui exprimait clairement l’esprit dans lequel naissait en 1991 cette nouvelle responsabilité du fait d’autrui. En effet, la charge de responsabilité qui fût imposée par l’arrêt Blieck en 1991 se justifiait par le développement d’un nouveau risque social qui s’exprimait par l’instauration de nouvelles méthodes de traitement des personnes inadaptées à notre société. En effet, celles-ci étaient de plus en plus laissées dans un régime de liberté, certes jugé conforme à leurs intérêts, mais qui étaient pour autant source de risques accrus pour les tiers. D’où la nécessité du moment d’instaurer une responsabilité sans faute des centres d’accueil de ces personnes dites à risque par souci de protection des tiers victimes, en leur permettant ainsi une meilleure indemnisation. La lourdeur de cette responsabilité du fait même de son objectivité (ns le verrons dans le II avec William), justifiait alors de la limiter aux seules hypothèses où la prise en charge avait été imposée par une décision de puissance publique, ou à défaut, lorsque l’association ou centre d’accueil avait librement accepté la prise en charge de ce risque. C’est ce que rappelle en substance l’arrêt Blieck en précisant qu’une telle responsabilité sur le fondement de 1384, al. 1er ne pouvait être dès lors encourue que lorsque « l’association avait accepté la charge ». C’est parce qu’il avait accepté la charge d’organiser et de contrôler le mode de vie de ce handicapé que l’établissement est de plein droit responsable ; la charge du risque étant plutôt la contrepartie du pouvoir reçu.

Cependant, la jurisprudence postérieure semble avoir abandonné ce critère d’acceptation du risque comme condition d’application de la RGFA. En effet, elle n’en fait plus aucunement mention dans ses attendus. Cet abandon de l’exigence d’une telle acceptation par le civilement responsable apparaît légitime, car elle créait en effet une distorsion de régime avec les parents auxquels une obligation est imposée par la loi ; ce qui était difficilement justifiable.

Néanmoins, si l’acceptation par le civilement responsable de la garde d’autrui n’apparaît plus comme une condition d’application de la RGFA, la condition de placement de l’auteur du dommage semble définitivement avec cet arrêt de 2006 en être une et condamner ainsi les placements qui seraient issus d’une simple convention.
Cf : Crim. 15 juin 2000 JCP 2000 ; hyp. dans laquelle parents avaient confié leur enfant à un institut médico-éducatif. Mais attention : pt’êt pas handicapé…

Mai surtout, cet arrêt de 2006 précité renforce justement l’idée selon laquelle, la notion de garde telle qu’envisagée par la Cour de cassation pour retenir l’application de 1384, al. 1er est belle et bien une notion juridique, et non pas de fait puisqu’il démontre bien que l’autorité dont est investie le civilement responsable sur autrui est d’essence juridique.

La jurisprudence récente conforte cette analyse puisque ds un certain nbre d’hypothèses, elle déclare responsable le gardien sur le fondement de 1384, al. 1er alors qu’il n’avait au moment de la réalisation du dommage aucun pouvoir d’autorité effecti sur l’auteur du dommage.

Cass. 2ème civ., 9 décembre 1999

« une association qui a reçu et conservé la charge d'organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie d'un mineur, dans le cadre d'une mesure de liberté surveillée, et qui s'en acquitte par un placement en famille d'accueil dans des conditions qu'elle a déterminées et qu'elle contrôle, demeure responsable des dommages causés par l'enfant, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er du code civil, sans préjudice de la responsabilité de l'État ».

Commentaires : Vous voyez bien qu’ici, c’est la garde juridique de l’association qui est retenue pour l’application de sa responsabilité sur le fondement de 1384, al. 1er car une fois le mineur placé ds le cadre familial, elle ne dispose plus de véritables moyens matériels d’asseoir son autorité effective sur l’enfant. Mais la Cour retient sa responsabilité car c elle qui avait la garde juridique de l’enfant et non la famille d’accueil.

Deux arrêts de 2002 sont encore plus probants, dans la mesure où il est jugé qu’à défaut de décision suspendant sa mission éducative, une association chargée du contrôle d'un mineur demeure responsable des agissements, même lorsqu'il demeure chez ses parents. Telle est la solution retenue par deux arrêts destinés à la publication au rapport annuel de la Cour de cassation :

Cass. 2ème civ., 6 juin 2002, n° 00-18.286 (1ère espèce)

Ainsi, doit être cassé l'arrêt qui, pour déclarer la mère d'un enfant mineur responsable des conséquences dommageables d'un incendie causé par son fils, retient que l'association, dont les interventions avant sinistre se faisaient au rythme de quatre par mois, n'avait plus, du fait de la mesure prise, à savoir le retour de l'enfant chez sa mère depuis plusieurs mois, l'autorité lui donnant le pouvoir d'organiser à titre permanent le mode de vie du mineur, de le contrôler et de le diriger.


Cass. 2ème civ., 6 juin 2002, n° 00-15.606 (2ème espèce)

Doit également être cassé l'arrêt qui estime qu'une association ne peut être déclarée civilement responsable des agissements d'un enfant mineur placé par un juge dans un foyer éducatif géré par elle, au motif qu'il est établi que l'enfant était en séjour régulier et autorisé chez ses parents lors de la fin de semaine où il a provoqué l'incendie.


Enfin, deux arrêts des plus explicites :

Cass. 2e civ., 7 mai 2003, no 01-15.607

Une association chargée par décision d'une juridiction des mineurs d'organiser, de contrôler et de diriger à titre permanent le mode de vie d'un mineur demeure responsable de plein droit du dommage commis par ce mineur dès lors qu'aucune décision judiciaire n'a suspendu ou interrompu cette mission éducative.

Commentaire : Cet arrêt montre bien que l’autorité dont est investie le civilement responsable est d’essence juridique et que seule une décision de l’autorité publique qui a décidé le placement pourrait faire échapper l’association à la responsabilité de plein droit qui pèse sur elle, peu importe alors que l’association, au moment de la réalisation du fait dommageable, ne disposait pas de la garde matérielle de l’auteur du dommage.

Dans ce sens : Cass. 2e civ., 22 mai 2003, no 01-15.311

L'association en charge d'un mineur délinquant a été déclarée responsable d'un dommage causé par cet enfant alors qu'il effectuait un stage agricole. La cour d'appel a retenu à bon droit que l'association, chargée par un juge d'organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie de ce mineur, demeurait en application de l'article 1384, alinéa 1er du code civil, responsable de plein droit, y compris au cours du stage, du fait dommageable commis par lui. (cf : accident de tracteur)


Ces solutions récentes consacrent belle et bien l’idée d’un pouvoir juridique accordé au gardien sur autrui (la seule volonté telle qu’énoncée par l’arrêt Blieck ne suffisant plus) ; de là en découlent des conséquences importantes telles que ns les avons constatées, dont le maintien de la responsabilité tant que la garde juridique n’a pas cessé grâce, vraisemblablement, à un acte de même nature que celui qui l’avait accordé.

La consécration d’un tel critère de garde juridique comme condition d’application de 1384, al. 1er expliquerait pourquoi la Cour se refuserait à faire application de la RGFA dans des hypothèses de garde familiale d’autrui. Cf : Cass. 1ère civ., 18 septembre 1996 ; refus de faire application de l’art. 1384, al. 1er aux grands-parents du fait de leur petits-enfants bien que la doctrine l’ait suggérée.

Enfin, il convient également d’évoquer deux autres conditions d’application de l’article 1384, al. 1er, dont l’une est définitivement éliminée par la jurisprudence, et l’autre pas encore tranchée.
Il s’agit :
- du caractère permanent ou non de la garde ;
- et du caractère onéreux ou non de la garde.


o Caractère permanent de la garde ?

L’arrêt Blieck se référait déjà à la charge d’organiser et de contrôler la vie de l’handicapé, en y ajoutant à titre permanent. Il semblait donc faire de ce critère de permanence de la garde d’autrui une condition d’application de l’art. 1384, al. 1er cc.
Toutefois, ce critère n’a pas toujours été repris par la jurisprudence postérieure.
Si la jurisprudence criminelle l’a employé (Crim. 28 mars 2000), on peut relever par ex que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, par deux fois, ne l’a pas exigé (Civ. 2ème 20 janvier 2000 ; Civ. 2ème 25 février 1998).

En l’état actuel de la jurisprudence, il semble bien que la permanence de l’organisation, la direction et le contrôle du mode de vie ne soit pas une condition de la responsabilité de la responsabilité de l’article 1384, al. 1er.
Toutefois, il est possible que ce critère puisse avoir une influence sur la condition exigée de la garde juridique.
En effet, deux arrêts nous conduisent à envisager deux hypothèses :

1- Lorsque la garde est dans les faits d’espèce effectivement permanente, elle suffirait à elle seule à fonder la responsabilité du gardien. Il suffirait pour la victime de prouver un fait dommageable de la personne que le gardien a accepté de prendre à sa charge.
Cela ressort des deux arrêts précités : Civ. 2ème 9 décembre 1999 et Civ. 2ème 6 juin 2002 qui visaient des hyp. ds lesquelles des assoc. avaient été déclarées resp. sur fdnt de 1384, al. 1er alors que le mineur dont elles avaient la garde était, au moment de réalisation du dommage, respectivement soit dans une famille d’accueil, soit chez ses parents (2ème arrêt)…càd que l’association n’était pas présente. Or dans ses attendus, la Cour fait mention de la formule « à titre permanent ». cf aussi : Cass. 2ème civ., 22 mai 2003
Il semblerait en fait que la Cour assimile à cette notion celle de garde juridique. Lorsque le mineur est placé ou confié à titre permanent, la garde de l’association serait nécessairement juridique.

2- Lorsque la garde est temporaire ou intermittente.
Nécessité, semble-t-il, que l’auteur du dommage se trouve sous la surveillance du gardien au moment de l’acte dommageable.

CF : Civ. 2ème, 25 février 1998, Bull. Civ. II, n°62
Pas de resp. d’une assoc. pr le D causé par un majeur handicapé mental scolarisé en demi-pension, au motif qu’au moment du fait dommageable, l’auteur du dommage n’était plus sous son autorité ; l’association n’ayant plus la surveillance et l’organisation des conditions de vie de cette personne.

Dans une telle hypothèse, le devoir de surveillance physique réapparaîtrait…retour dans cette circonstance à une garde matérielle ?

Quoi qu’il en soit, au vu de l’évolution de la jurisprudence tournée vers l’objectivation de cette responsabilité reposant sur la notion de garde juridique, il apparaît que ce critère de permanence n’est plus aujourd’hui déterminant (cf : arrêt du 24 mai 2006).
Le plus important étant qu’il se soit créé entre le civilement responsable et l’auteur du dommage un rapport d’autorité suffisant. En témoigne d’ailleurs un arrêt de la CA Orléans, 24 juin 1996 énonçant qu’il suffit que la charge soit temporaire, dès que sa durée est suffisante à la création d’un véritable rapport d’autorité.


o Le caractère onéreux de la garde ?

Pas tranché par jurisprudence actuelle :

-Refus de soumettre un tuteur à la RGFA à propos d’un majeur en tutelle.
(Cass. 2ème civ., 25 février 1998)
Solution pour les auteurs qui est justifiée au regard du caractère bénévole de cette fonction : une responsabilité de plein droit serait trop lourde.

- Revirement sans justif. concernant cette fois un mineur en tutelle (Cass. Crim., 28 mars 2000)
- Depuis, aucun nouvel arrêt à ce sujet : inquiétant+++ cf : Garde d’enfant, même temporaire, même par un étudiant (baby-sitter) pourrait alors se poser…à voir




Pour résumer : L’arrêt Blieck et sa descendance ont posé un PREMIER critère d’application de 1384, al. 1er fondé sur la notion de garde juridique associé étroitement aux conditions de placement d’autrui, évinçant au passage certaines autres conditions qui auraient pu être admises telle que : la dangerosité de l’auteur du dommage, le critère de permanence de la garde, mais également aussi l’exigence d’une garde purement matérielle…

Toutefois, des arrêts postérieurs à l’arrêt Blieck semblent s’écarter un peu du schéma constitutif de cette RGFA fondée sur la notion de garde, en exigeant en effet l’existence d’un pouvoir d’autorité reposant, non plus sur l’idée de garde, mais sur le contrôle de l’activité d’autrui. S’inscrivent-ils dans la lignée Blieck, ou s’inspirant des conditions forgées par cet arrêt, se sont-ils créés une autonomie propre ? Vous l’aurez compris, la question divise la Doctrine, une frontière s’étant établie entre ceux qui sont partisans du régime unitaire ou dual de 1384, al. 1er instauré depuis 1991 par la jurisprudence.
C’est la raison pour laquelle, nous avons décidé de les traiter à part, afin de mieux les confronter, s’il y a lieu avec le régime ci-dessus exposé des conditions d’application de 1384, al. 1er cc.


2) Le pouvoir d’autorité reposant sur le contrôle de l’activité d’autrui.

Par deux arrêts rendus le 22 mai 1995 par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation, la Cour fait application de l’article 1384, al. 1ER à des associations sportives ; donc en dehors des hypothèses traditionnellement visées par la Jurisprudence Blieck.

Les deux espèces se ressemblent. Au cours d’un match de rugby, des coups (mortels dans un cas) sont portés à un joueur de l’équipe adverse, ans qu’ait pu être identifié leur auteur. Les deux cours d’appel avaient condamné l’association sportive sur le fondement de l’article 1384, al. 5 du code civil, càd en considérant les joueurs comme des préposés.
Le pourvoi des associations est rejeté, mais la CCASS a opéré une substitution de motif. Elle énonce : « Les associations sportives, ayant pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres au cours des compétitions sportives auxquelles ils participent, sont responsables, au sens de l’article 1384, alinéa 1er , du Code civil, des dommages qu’ils causent à cette occasion ».

Ces deux espèces sont confirmées par un arrêt Cass. 2ème civ., 3 février 2000 qui repose sur une structure identique.

Vous remarquerez que la motivation est très proche de celle de l’arrêt Blieck, ce qui est un argument en faveur d’une extension de cette jurisprudence, et donc de la conception unitaire du régime gal de 1384, al. 1er. On parle bien de direction, d’organisation, et de contrôle. Vous remarquerez cpt que le critère de permanence a sauté ; il n’en est fait aucunement mention comme dans l’arrêt Blieck.
Mais ce qui diffère, c’est l’objet même sur lequel s’exerce le pouvoir d’autorité du responsable : ce n’est plus en effet un mode de vie, mais une activité sur laquelle doit s’exercer le contrôle du civilement responsable.


Discussion entre conception unitaire et duale :

Les partisans d’une conception unitaire du régime de 1384, al. 1er pourront arguer le fait que cet arrêt ne traduit qu’une hypothèse nouvelle d’application du régime tel qu’élaboré par la jurisprudence Blieck, ou en constitue une simple extension, et ce en raison très justement que les pouvoirs de contrôle, de direction et d’organisation qui caractérisent la notion de garde sont toujours présents ; ce serait simplement l’objet même de la garde qui a changé ou évolué. Mais peut-on être pour autant le gardien d’une activité ?

Les partisans d’une conception duale du régime de RGFA pourront de leur côté mettre en avant le fait que ces arrêts témoignent d’un éloignement considérable de la notion de garde d’autrui telle qu’elle a été initialement conçue par la jurisprudence.
Ainsi, selon le professeur Jourdain, il ne s'agit pas tant de voir ds ces arrêts une extension du domaine de la jurisprudence Blieck que d'une règle nouvelle subordonnée à des conditions propres et donnant naissance à un nouveau cas de responsabilité du fait d'autrui. Ainsi, il n'y aurait pas grand chose de commun entre la responsabilité des personnes gouvernant le mode de vie des handicapés ou des mineurs délinquants ou en danger qui leurs sont confiés et les clubs encadrant des sportifs. Dans le premier cas, l'autorité des responsables s'apparente à la « garde » de la personne d'autrui caractérisée par les pouvoirs d'organisation, de direction et de contrôle du mode de vie. Dans l'autre cas, elle est celle dont disposent les personnes qui encadrent l'activité d'autrui lorsqu'elle expose les tiers à certains risques.

Le pouvoir d’autorité dont serait investi l’association sportive s’éloigne bien en effet de celui des associations accueillant des personnes inadaptées, ou ayant pour le moins besoin d’une assistance particulière. Les sportifs ne sont-ils pas en pleine possession de leurs moyens et capacités mentales ? D’autre part, l’autorité des associations sportives ne s’exerce qu’épisodiquement et n’influe aucunement sur un mode de vie, serait-il limité à la vie sportive. L’autorité apparaît alors plus ponctuelle, mais aussi plus limitée : l’association sportive est-elle en effet réellement capable d’exercer une quelconque autorité sur un terrain de rugby ? on peut en douter.
Par ailleurs, la source même de l’autorité apparaît différente : dans l’arrêt Blieck, elle provient de l’investiture faite par une autorité publique (cf réaffirmé par arrêt 24 mai 2006). Rien de tel pr un joueur de surcroît amateur pr lequel l’adhésion est purement volontaire et facultative. De même, on ne constate aucune réelle mission d’éducation sportive : une obligation plus précise d’éducation sportive où l’on apprend aux joueurs à respecter l’adversaire, les arbitres, les spectateurs.
Enfin, les sportifs ne sont pas des personnes nécessitant une surveillance particulière.
Par ailleurs, la justification apportée à cette nouvelle resp. qui fut avancée (avocat gal Dontenville) à l’occasion de l’arrêt Blieck fondée sur la création d’un nouveau risk social qui nécessitait une nouvelle protection des victimes potentielles ne peut pas jouer en la matière. La motivation d'une telle solution semble essentiellement résider dans la politique d'indemnisation des victimes. En effet, le club sportif est nécessairement assuré pour les dommages causés par l'un de ses membres, lesquels ne pouvaient, dans les espèces soumises à la Cour de cassation en 1995, être couverts par leur assurance personnelle du fait des règles particulières du droit des assurances.

Par conséquent, on s’éloigne tellement du contexte de l’arrêt Blieck que l’on pourrait aisément croire que la jurisprudence relative aux associations sportives a pris son autonomie et fait l’objet d’un régime propre qui reste encore à définir en la matière, notamment en ce qui concerne les relations entre le civilement responsable et l’auteur du dommage.

Notons enfin, que la responsabilité spéciale des commettants du fait de leurs préposés (1384, al. 5) était particulièrement bien adaptée en la matière ; recourir à l’a. 1384, al. 1er révèle donc bien que celui-ci est instrumentalisé par la Cour. Ce pur choix opportuniste montre par ailleurs les difficultés en la matière pour fixer les règles d’un régime unitaire.
Précisons également que la Cour fait une distinction entre joueurs professionnels et joueurs amateurs. Seules les associations sportives contrôlant l’activité de joueurs amateurs relèvent des dispositions de 1384, al. 1er , les associations sportives organisant l’activité de joueurs professionnels relevant du régime de responsabilité des commettants. L’unité n’est pas faite !

Citer Arrêt des Majorettes : Cass. 2ème civ., 12 décembre 2002 et discuter si extension Blieck ou ASSO sportives…

Toutefois, que l’on soit partisan du régime unitaire ou dualiste, il nous semble qu’il se dégage néanmoins un fonds commun dont on ne pas nier l’existence, une inspiration commune sous-jacente.

3) Le fonds commun observé : Synthèse.

Que l’on adopte une conception unitaire ou duale, des deux hypothèses générales où trouve à s’appliquer le principe général du fait d’autrui de 1384, al. 1er cc, on peut néanmoins voir se dessiner un dénominateur commun sur lequel se fonde l’art. 1384, al. 1er cc :

Càd : dans un cas, comme dans l’autre, il faut « un rapport d’autorité » (qu’il soit global pr Blieck/ ponctuel et limité ds cas des associations sportives), le civilement responsable disposant, « au moment de la réalisation du fait dommageable », d’un pouvoir de direction et de contrôle de la personne considérée ou de son activité (juridique ou matériel).
Cela suppose l’existence de « pouvoirs » conférant au responsable la « maîtrise de la situation qui a été l’occasion du dommage » et, en particulier, que cette situation se soit constituée « sous son autorité ».

Une fois ce lien de dépendance caractérisé entre le civilement responsable et l’auteur du dommage, il faut relever une deuxième condition : l’existence d’une responsabilité personnelle de l’auteur du dommage.


B. Le maintien de l’exigence d’une responsabilité personnelle de l’auteur du dommage.

Quelle qualification juridique doit-on donner à l’acte qui a causé le dommage dont le civilement responsable doit répondre en vertu de 1384, al. 1er cc ?

Malgré l’évolution générale des régimes spéciaux vers une responsabilité objective, et ce en raison du choix fait par les tribunaux d’une politique d’indemnisation des victimes, la jurisprudence qui s’est établie en matière d’édification des conditions d’application de la RGFA semble avoir pour une part accordé cette fois sa faveur à la protection du civilement responsable (1), et ce, nous semble-t-il, pour freiner la tendance à l’objectivation excessive dont témoigne le régime des causes d’exonération de ce type de responsabilité (2).

1) La nécessité d’un fait dommageable générateur de responsabilité propre de l’auteur du dommage.

La question s’est posée de savoir si pour pouvoir engager la responsabilité de plein droit du civilement responsable d’autrui, il fallait que la victime relève une faute ou un fait de nature à engager directement la propre responsabilité de l’agent primaire du dommage ?

La jurisprudence a évolué en la matière, ou du moins, semble avoir pris position aujourd’hui et refusé le simple acte causal de l’agent.

Faisons une distinction préalable entre les arrêts rentrant dans la lignée Blieck, et les arrêts rendus en matière d’association sportive.

Lignée Blieck :

La réponse en jurisprudence n’était pas évidente dans la mesure où tous les cas d’espèce où les juges ont fait application de la jurisprudence Blieck et donc fait application du principe de RGFA de l’a. 1384, al. 1er concernaient des hypothèses dans lesquelles l’auteur primaire du dommage avait commis une faute caractérisée (ex : il avait brûlé un champ volontairement). La question restait donc entièrement ouverte puisque la Cour ne s’est jamais prononcée explicitement sur la nature de l’acte de l’agent. Tenant compte de l’évolution de la jurisprudence en matière de responsabilité des parents, on pourrait envisager, qu’à l’instar de l’arrêt Levert Civ. 2ème , 10 mai 2001 rendu en matière de responsabilité parentale, la Cour ne décide qu’un acte seulement causal de la personne gardée puisse engager la responsabilité de son gardien.
Certains arrêts laissent à penser que la Cour n’entend pas s’engager dans cette voie.

Nous pouvons noter un 1er arrêt rendu par la CA Orléans 24 janvier 1996, qui, au visa de 1382cc, semblait admettre l’existence d’une faute. Certes, ce n’est qu’un arrêt d’appel ; et la Haute Juridiction quant à elle semblait se montrer dans un 1er tps plus hésitante. Je fais allusion à un arrêt déjà cité Cass. 2ème civ., 22 mai 2003 dans lequel la Cour fait référence au « fait dommageable » d’un mineur délinquant pour retenir la responsabilité de l’association qui en avait la garde sur le fondement de 1384, al. 1er . Cette notion de « fait dommageable » peut apparaître ambiguë puisqu’elle pourrait s’identifier à un simple fait causal et dans le cas d’espèce, la CA avait souverainement déclaré qu’il n’y avait pas lieu de relever une faute du mineur pour retenir la responsabilité de son gardien. Or, la Cour de cassation n’a pas contesté.

Depuis cet arrêt, la Cour de cassation n’a pas eu à se prononcer de nouveau sur la nature de l’acte de l’agent dans les hypothèses issues traditionnellement de l’arrêt Blieck.

Toutefois, elle a tranché le débat en matière de responsabilité des associations sportives du fait de leurs membres et s’est expressément prononcée en faveur de l’exigence d’une faute.

Nous pouvons citer un premier arrêt en la matière de la CA Aix-en-Provence, 27 février 2002, qui semble-t-il, a donné le ton à suivre. Ce dernier impose en effet la preuve d’une faute à l’encontre d’un joueur pour que la responsabilité de son club puisse être engagée sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1er .
Par suite, la Haute juridiction se prononce à son tour dans le droit fil de la jurisprudence de la CA et précise que « la responsabilité d’une association sportive du fait de ses joueurs amateurs, sur le fondement de l’a. 1384, al. 1er cc ne peut être retenue qu’en cas de faute de jeu caractérisée ». Cass. 2ème civ., 20 novembre 2003


Ainsi, une association sportive de joueurs amateurs n’est pas responsable (ex) :

o Cass. 2ème civ., 13 mai 2004

« du dommage causé au participant à un match de rugby, blessé à la suite de l'effondrement d'une mêlée fermée, en dehors de toute faute ».

o Cass. 2e civ., 21 oct. 2004

« si un joueur de rugby, répétant une phase tactique de sortie de mêlée, tombe en manquant un placage et se blesse ».

o Cass. 2e civ., 22 sept. 2005

« du dommage subi par un joueur lors d'une compétition de rugby, à la suite de l'effondrement d'une mêlée dont le caractère délibéré n'est pas établi ».

Enfin, la Cour énonce dans un arrêt Cass. 2ème civ., 13 janvier 2005 que « seule une violation caractérisée des règles du jeu engage la responsabilité d’une association sportive ».

Ce dernier arrêt témoigne véritablement d’une protection nouvelle accrue accordée au civilement responsable dans la mesure où les possibilités de mise en œuvre de la responsabilité de l’association sportive sur le fondement de 1384, al. 1er sont rendues plus difficiles.

Cette jurisprudence rendue en matière d’association sportive, digne héritière des jurisprudences de 1995, est-elle transposable à la responsabilité des centres d’accueil et associations qui se sont vues confier la garde de mineurs ou majeurs incapables (lignée Blieck) ?

Tt dépend encore une fois de la conception et de l’usage que la Cour entend faire de 1384, al. 1er cc. Si elle-même est partisane du régime unitaire, alors pas de pb. A contrario (donc partisane de la cause défendant un double régime), on peut penser que la Cour adoptera prochainement les mêmes solutions dans la mesure où il apparaîtrait déraisonnable de se contenter d’un simple fait causal de l’agent primaire du dommage pour engager la resp. du civilement responsable, car cela aurait pour effet de décourager d’autant les initiatives individuelles (bénévolat).
En effet, étant donné que le civilement responsable n’a aucune part dans la survenance du dommage, et qu’il n’a pas commis de faute, il semble logique et plus juste d’exiger que le responsable primaire, auteur réel du dommage, ait commis un acte de nature à engager sa propre responsabilité, que ce soit une faute ou en tant que gardien.
La responsabilité civile est avant tout une responsabilité personnelle, individuelle. La responsabilité du fait d’autrui a une raison d’être, mais encore faut-il qu’il y ait un lien logique pour l’établir ; que le civilement responsable ne soit pas totalement déconnecté du dommage ; un rapport se devant d’exister entre l’« auteur » du dommage et son gardien ou le garant de son activité.

Pour résumer, il ressort de la jurisprudence actuelle que deux conditions essentielles semblent être exigées par la Cour pour retenir l’application de l’a.1384, al. 1er cc :

- il faut d’une part qu’un rapport d’autorité se soit régulièrement établi entre le civilement responsable et l’auteur du dommage vià l’exercice de pouvoirs par le civilement responsable lui permettant une maîtrise de la situation, et que ce rapport (qu’il soit juridique ou matériel) ait subsisté au moment de la réalisation du dommage ;
- et d’autre part, il faut au préalable relever que l’acte commis par autrui (celui qui est la cause du dommage subi par la victime) soit de nature à engager la responsabilité civile délictuelle de ce dernier.

Quoi qu’il en soit, l’intention de la Cour semble être ici de rééquilibrer le régime de RGFA, en freinant ainsi l’objectivité même de cette responsabilité, dont la nature est très favorable aux victimes.

A défaut, le gardien risquerait de voir sa responsabilité engagée de façon excessive, ce dernier ne disposant pas en effet, comme va vs l’exposer William, d’une grande capacité d’exonération, et ce en raison de la nature même que la jurisprudence a voulu conférer à cette responsabilité.




II / Une responsabilité objectiviste : la difficile exonération du responsable

A la suite de l’arrêt Blieck, la Cour de cassation a pouvait légitimement hésiter entre différents systèmes. Cependant l’évolution contemporaine de la responsabilité rendait inévitable l’adoption d’une responsabilité objective (A), rendant l’exonération du responsable civil difficile voire illusoire quant on analyse de plus près les causes d’exonérations (B).

A) La mise en place d’une responsabilité de plein droit

1) L’incertitude de l’arrêt Blieck : A travers l’arrêt Blieck du 29 mars 1991 l’Assemblée plénière si elle a énoncé une responsabilité du fait autrui, n’a pas précisé la portée exacte de cette dernière. En effet, la Cour posant une présomption relative sur la faute de l’association, quelle en était la portée ?

La seule certitude pouvant être dégagé de cet arrêt est qu’il écarte l’exigence de la preuve d’une faute personnelle du responsable. En effet sinon, on reviendrait à l’application de l’article 1382 et à une responsabilité personnelle rendant inutile l’utilisation de l’article 1384 alinéa 1er.



Cependant était-ce une présomption simple supportant la preuve contraire, une présomption mixte ou alors irréfragable s’assimilant à une véritable garantie ? Finalement La Cour se contente d’approuver la Cour d’appel d’avoir décidé que l’association devait répondre de l’handicapé au sens de l’article 1384 alinéa 1er du Code Civil et qu’elle était tenue de réparé les dommages qu’il avait causés.


Au moment de l’arrêt, trois systèmes étaient envisageables calqués sur des modèles existants :
- Une présomption de faute permettant au responsable de rapporter la preuve de son absence de faute pour se dégager de sa responsabilité. Ce système à l’époque aurait alors pris pour modèle la responsabilité des parents pour les faits de leur enfant mineur. En faveur de ce système, on pouvait avancer une volonté de préserver l’éventuelle responsable. En effet les parents ne se voyant appliquer qu’une présomption fautive et on aurait mal compris une responsabilité plus lourde pour le « gardien d’autrui » alors que celui-ci a des pouvoirs analogues ou moins complets que les parents. Cependant elle ne permettait pas une protection suffisante des victimes allant à contre courant de la tendance actuelle d’indemnisation de notre droit de la responsabilité.
- Une responsabilité de plein droit ne permettant au responsable de s’exonérer qu’en apportant la preuve d’une cause étrangère . Ce modèle aurait alors eu comme fondement la responsabilité du commettant pour le fait de ses préposés. Cette solution qui répondrait à l’impératif d’indemnisation poserait cependant un lourd fardeau à tous « les gardiens d’autrui »qui ne seraient pas assurés, les décourageant alors à aider autrui. On pense notamment aux gardes effectués par des grands parents ou encore des amis.
- Restant une troisième voie proposée par certains auteurs et notamment Geneviève Viney selon laquelle le portée de la présomption devait dépendre du domaine d’application de la nouvelle règle. Ainsi dans la mesure, elle devait s’appliquer aux professionnels ayant l’obligation de s’assurer prévaudrait un système de responsabilité de plein droit alors que dans le cas ou on l’appliquerait à des gardiens non professionnels ça serait le système de présomption fautive qui interviendrait. Ce système permettrait une certaine nuance mais aurait le désavantage de compliquer le système.

Derrière ce choix se pose finalement des questions d’indemnisation des victimes et de charges incombant au responsable voire à son assureur. En effet, en choisissant la 1ere solution la Cour de cassation aurait fait prévaloir les intérêts des premiers au détriment des seconds. Au contraire en faisant le choix d’une responsabilité de plein droit, elle aurait marqué une tendance favorable aux victimes mais plus dure pour les civilement responsable. Ainsi ce choix allait bien être fondé sur des considérations de politique juridique.
Si on s’en tient à l’arrêt, le rejet du pourvoi peut donner des indications sur la direction que la Cour de cassation souhaitait prendre. En effet, la Cour d’Appel, quant à elle s’était prononcée sur une responsabilité de plein droit. La Cour de cassation en approuvant cette dernière n’ avait-elle considéré que la responsabilité du centre était de plein droit ?
Le doute était permis dans la mesure ou la Cour d’Appel n’avait déduit comme seule conséquence de cette responsabilité une dispense de la victime de rapporter la preuve de la faute du civilement responsable, résultat qui pouvait être atteint par la présomption fautive. Le doute devait donc être levé, ce qui fut le cas grâce à plusieurs arrêts de 1997.

2) L’affirmation d’une responsabilité objective : Ce résultat allait être atteint par un arrêt du 26 mars 1997 de la Chambre Criminelle mais qui trouve son origine dans le revirement opéré par la deuxième Chambre Civile dans l’arrêt Bertrand du 19 février 1997.

Dans cet arrêt, un enfant en vélo percute un motocycliste. Ce dernier demande réparation au père. Au vu de la jurisprudence de l’époque, la Cour de cassation appliquait une présomption de faute des parents supportant donc la preuve de l’absence de faute de ces derniers.
Cependant la Cour de cassation a énoncé dans cet arrêt « que seule la force majeure ou la faute de la victime pouvait exonérer le père de la responsabilité de plein droit ».
Ainsi par cet arrêt, elle passait d’un système de présomption de faute à une responsabilité de plein droit permettant du même coup une unité dans les principaux cas de responsabilité pour le fait d’autrui. En effet, la responsabilité du commettant étant prévoyant déjà une responsabilité de plein droit, la responsabilité des artisans devrait suivre la même évolution dans la mesure ou cette responsabilité trouve sa cause d’exonération dans le même texte que celui des parents c’est-à-dire l’article 1384 alinéa 7.

Cet arrêt Bertrand devait entraîner des conséquences sur la responsabilité générale du fait d’autrui car si en 1991 on hésitait sur la porté de la présomption, c’était en raison des différents modèles possibles. L’alignement de tous les régimes permet donc un alignement de la responsabilité de l’article 1384 alinéa 1 et du même coup supprime un obstacle à l’édification d’un principe général de la responsabilité du fait d’autrui.

Ce fut chose faite par trois arrêts du 26 mars 1997 rendue par la Chambre Criminelle.
En l’espèce, trois mineurs placés dans un centre, volent une voiture cause des dommages. Le centre voyant sa responsabilité mise en cause, met en avant son absence de faute pour dégager sa responsabilité. La Cour de cassation rejette ce moyen en énonçant que « les personnes tenues de répondre du fait d’autrui au sens de l’article 1384 alinéa 1er, ne peuvent s’exonérer de la responsabilité de plein droit résultant de ce texte en démontrant qu’elles n’ont commis aucune faute ». Cette solution permet donc de mettre fin à une différence de traitement dans les responsabilités du fait d’autrui, tous étant soumis à une responsabilité de plein droit. Trois arguments ont été avancés pour justifier cette solution :
- Une raison d’ordre textuelle. En effet, il aurait été difficile d’admettre que des régimes différents puissent s’appliquer à la fois à la responsabilité du fait des choses et des personnes alors qu’elles sont fondées sur le même texte l’article 1384 alinéa 1er. En réponse de quoi l’on peut cependant objecter que l’article 1384 alinéa 1er n’était dans l’esprit des rédacteurs du Code Civil, qu’un chapeau introductif des différentes responsabilités et qu’il n’a été qu’un prétexte utilisé par la jurisprudence pour créer des règles d’indemnisation au regard d’une adaptation nécessaire du droit au vu des évolutions de la société. C’est donc plus un choix de politique juridique qu’autre chose.
- Une justification d’ordre sociale fondée sur la notion de risque. Ainsi le risque que fait naître l’évolution récente des méthodes d’éducation et de traitement appliqué aux enfants, personnes handicapés ou délinquants justifient une protection accrue des tiers et donc doit écarter de tout débat l’idée d’une faute éventuelle du responsable. Par la même on obtient une certaine unité de fondement avec la jurisprudence administrative qui depuis l’arrêt Thouzellier du 3 février 1956 a posé une responsabilité de plein droit de l’Etat fondée sur l’idée de risque.
- L’idée de cohérence avec les différents régimes de responsabilité du fait d’autrui qui sont toutes, aujourd’hui objectives. Cependant on ne peut que constater que la Cour de cassation a sacrifié l’art de la nuance au profit d’une certaine unité. En effet, en optant pour la responsabilité de plein droit, elle rejette la distinction possible entre gardiens professionnels (responsabilité de plein droit) et occasionnel (présomption fautive) qui aurait pris comme fondement la différence de responsabilité entre commettants-parents. Cependant dès lors que la responsabilité des parents était alignée sur celle des commettants, cette distinction n’avait plus raison d’être.

Quoi que cette solution répondait à une logique depuis l’arrêt Bertrand et aux vœux d’une majorité de la doctrine, allant dans le sens de l’indemnisation des victime , on ne peut mettre de côté une considération d’ordre économique.
Dès lors que la Cour de cassation pose une responsabilité de plein droit, il apparaît nécessaire de faire attention dans l’attribution de cette responsabilité notamment pour les non professionnels (on pense évidemment aux grands parents) contre qui cette responsabilité peut paraître dure dans la mesure où elles ne sont pas assurées.

3) L’apport de l’avant projet Catala : Ce dernier n’est pas en reste puisque dans son article 1355, elle énonce qu’ « On est responsable de plein droit… ». Ce projet reprend donc la jurisprudence actuelle et confirme l’objectivisation de la responsabilité.
Cependant il existe une discordance avec l’article 1358 qui énonce que « Les autres personnes qui assurent, à titre professionnel, une mission de surveillance d’autrui, répondent … à moins qu’elles démontrent qu’elles n’ont pas commis une faute ». Dans cette hypothèse, on a donc une présomption de faute supportant la preuve contraire. Cela consiste une catégorie d’individus particuliers chez qui l’autorité esttemporaire: les assistante maternelle, centre de loisirs…
L’adoption d’un système de responsabilité e plein droit nous pousse dorénavant à voir comment en pratique il peut être mise en œuvre et notamment si la preuve d’une force majeur est possible.


B) La preuve impossible du cas de force majeure

Ainsi on distingue plusieurs causes d’exonérations
1) Le fait d’un tiers : celui-ci n’est pas expressement retenue. En effet, la Cour de cassation parle de cas de force majeur et faute de la victime et non de cause étrangère qui engloberait également le fait d’un tiers. Est-ce à penser qu’elle considère que le fait du tiers même possédant les caractères de la force majeure n’aurait pu permettre l’exonération ou alors tout simplement qu’elle voyait sa dilution dans l’hypothèse de la force majeure ?
La Cour n’a pas répondu clairement mais dans la responsabilité des parents, elle a refusé cette possibilité (arrêt du 4 juin 1997).

2) La faute de la victime : celle-ci en pose pas problème, il suffit de d’apporter la preuve que la victime a eu un comportement anormal à l’origine du dommage. Ainsi cette exonération sera totale si elle est imprévisible ou irrésistible sinon partielle dans les autres cas.

3) Le cas de force majeure : Celle-ci pose plus de problème. Plusieurs questions ont pu se poser :

a)En effet, la force majeure doit-il être apprécier au niveau du civilement responsable ou alors de l’auteur du dommage ?
On pourrait apprécier la force majeure par rapport à l’auteur du dommage , ca serait l’événement qui pour lui, était extérieur, imprévisible et irrésistible. Deux arguments nous poussent cependant à rejeter cette solution :
- La première est qu’on se situe dans le cadre de la responsabilité du civilement responsable c’est pour ce dernier que l’événement doit présenter les caractères de la force majeure et non donc pour l’auteur du dommage qui ne voit pas sa responsabilité mise en cause.
- D’autre part, on considère dans les conditions de la responsabilité que c’est la faute de l’auteur du dommage (association sportives) ou du moins le fait causale (descendance de l’arrêt Blieck ?) qui est la cause du dommage. Donc à considérer qu’on apprécie le cas de force majeure au niveau de l’auteur du dommage permettrait de considérer que c’est le cas de force majeur et non le fait de l’auteur qui serait la cause du dommage. De ce fait l’exonération ne viendra pas à proprement dit du cas de force majeur mais du fait que les conditions de la responsabilité ne sont pas réunis. En effet, le lien de causalité nécessaire pour engager la responsabilité du civilement responsable n’existerai pas .Apprécier la force majeure par rapport à l’auteur de dommage serait donc se placer dans le domaine de la causalité et non de l’exonération.

b) On peut donc en déduire que le cas de force majeur doit être apprécié au niveau du civilement responsable. Cependant on doit alors se demander si le cas de force majeure peut être le fait de l’auteur de dommage lui-même ?
En l’absence de jurisprudence dans ce domaine nous pousse à faire une analyse rapide des caractères de la force majeure :
- Concernant l’irrésistibilité ou plutôt l’insurmontabilité, on peut estimer que ce caractère sera facilement caractérisable dans la mesure ou le responsable, confronté aux faits de l’auteur du dommage n’a pas forcément les moyens d’empêcher ce dernier sauf rare cas. Mais ce caractère paraît difficile à appréhender car se confond parfois avec l’imprévisibilité ce qui fera l’objet d’un prochain exposé.
- Concernant l’imprévisibilité, ce critère nous pose plus de difficulté. En effet, on doit admettre que le comportement des individus présentant une certaine dangerosité (handicapé mentaux, délinquants) présente le plus souvent le sceaux de l’imprévisibilité. Cela signifie t’il que ce caractère est toujours présent ? Pas forcément car ce comportement à risque étant connut de tous, il devient alors… prévisible ! Aujourd’hui depuis les arrêts de 1995 sur les associations sportives cette argument a moins de pertinence. En effet, si dans ces hypothèses le caractère dangereux du sport peut laisser présager des dommages, cela ne signifie pas pour autant que ces dommages vont survenir sinon ces sports auraient fais depuis longtemps l’objet d’une interdiction. Cette tendance se confirme avec la jurisprudence des majorettes pour lequelle l’imprévisibilité est bien présente. On peut donc en déduire que ce caractère pourra être caractérisée .
- Concernant l’extériorité. C’est le critère qui pose le plus problème. Le fait d’autrui qui cause un dommage apparaît –il extérieur au responsable dans la mesure ou ce dernier exercant une certaine autorité, converse donc l’auteur dans sa sphère ?
Un début de réponse peut être trouvé dans la jurisprudence relative à la responsabilité des parents En effet dans un arrêt de la 2eme Chambre Civile, une fille glisse et cause des dommages dans un magasin. Le propriétaire attaque la mère. La Cour de cassation estime dans cette affaire que le fait de l’enfant ne peut constituer un cas de force majeure alors même qu’on pourrait dire que la glissade présente les caractère d’un événement irrésistible et imprévisible.
Alors pourquoi cette solution?
Depuis l’abandon de la présomption de faute, la responsabilité serait devenue « une garantie d’autrui » pour le parent à l’image du commettant. Le défendeur ne pourrait s ‘exonérer en invoquant le fait de la personne dont il répond car manque la condition d’extériorité de la force majeure.
En retenant une conception stricte de la force majeure pour les parents, il est probable que la même conception sera retenue pour la responsabilité du fat d’autrui et rapprochant donc ces régimes de celui du commettant, montrant une nouvelle fois que les différents régimes de responsabilité pour autrui présente un système d’exonération identique.

Cependant une raison plus générale nous pousse à considérer que le fait de l’auteur du dommage ne peut constituer une cause d’exonération pour le responsable. En effet, comment admettre que le répondant puisse invoquer comme événement imprévisible et irrésistible le fait même de celui dont il doit répondre ?
Que l’on rattache ou non cette considération à l’extériorité de la force majeure, permettre cette possibilité c’est finalement admettre que le responsable n’a commis aucune faute dans la, garde ou le contrôle de l’auteur du dommage. Ce serait donc réintroduire la notion de faute dans la responsabilité du répondant alors même que la jurisprudence l’avait écarté dans les arrêts du 26 mars 1997.

Cependant excluant cette possibilité, on voit mal comment le responsable pourrait apporter la preuve d’un cas de force majeur, rendant difficile voire impossible son exonération. Ainsi selon Christophe Caron, le cas de force majeure serait « le mirage de l’exonération de responsabilité de nombreux parents et assureurs » trouverait toute sa place dans la responsabilité du fait d’autrui.
Cette exonération étant quasiment impossible, on voit donc l’importance de poser une limite à cette objectivisation de la responsabilité dans l’exigence d’une faute de l’auteur du dommage dans les conditions de cette responsabilité.
.
Cette solution là encore va dans le sens de la victime et de son indemnisation.
En effet, permettre la responsabilité sans faute de l’auteur du dommage sans exonération effectif permet finalement de substituer au responsable primaire, pas toujours solvable, un débiteur dont la surface financière garantit la solvabilité. C’est finalement à aboutir à une garantie.


Conclusion : Au -delà de tout discussion théorique, il apparaît que la Haute juridiction semble davantage à agir par opportunisme, fixant le régime de la responsabilité de l’article 1384 alinéa 1er en fonction du champ d’application plus ou moins large qu’elle entend ainsi conférer à ce type de responsabilité.

Cet opportunisme est motivé par un soucis d’amélioration du sort des victimes mais aussi par le fait que la responsabilité générale du fait d’autrui n’en n’est qu’à ces balbutiements , contrairement à la responsabilité du fait des choses qui a un siècle de construction jurisprudentielle derrière elle.
Il semble donc normal que son régime ne soit pas encore clairement définis, la Cour de cassation devant l’affiner à n ‘en pas douter à coup d’arrêts et de revirement.
Ainsi on ne peut contester un mouvement d’objectivisation qui n’est pas propre à la responsabilité général du fait d’autrui, cela pose cependant un inconvénient.
Comme je vous l’ai fait comprendre, améliorer le sort des victimes c’est aggraver celle du responsable civil. Dès lors se pose la question de la prise en charge des dommages. Deux solutions seraient envisageables :
- La création d’un fond d’indemnisation (Le Berton)
- La mise en place d’une obligation d’assurance (Viney et Jourdain), en ce sens un rapport de la Cour de cassation de 2002.

Conscient de ses limites, la jurisprudence semble revenir à une position plus subjectiviste, ramenant une notion de faute non pas au niveau du civilement responsable mais à celui de l’auteur du dommage pour engager la responsabilité, posant donc une condition en amont pour engager la responsabilité du civilement responsable dont l’exonération semble imposible.

Enfin , comme mot de fin je pense qu’il faut prendre de la hauteur vis à vis de la construction jurisprudentielle. Systématiser celle-ci n’est pas forcément possible. C’est oublier le fait que la Cour de cassation se fonde sur un article qui n’est finalement comme le dis M
 
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