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 THEME VII : LA PREUVE

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Marie
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   Posté le 09-04-2007 à 13:06:41   Voir le profil de Marie (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Marie   

Le fondement de l’adage « actori incumbit probatio »


La preuve consiste en l’établissement de la réalité d’un fait ou de l’existence d’un acte juridique. Il s’agit donc de savoir, lorsqu’il y a une contestation sur l’existence d’un droit, qui doit prouver ce droit. Il est un principe fondamental en la matière selon lequel c’est à celui qui invoque l’existence ou l’absence d’un droit de prouver cette existence ou cette absence.

I. Le droit commun
Cet adage, actori incumbit probatio, signifie que la charge de la preuve incombe au demandeur. Le principe est énoncé à l'article 1315 alinéa 1er du Code civil : "Celui qui réclame l’exécution d'une obligation doit la prouver". C'est donc à celui qui prétend avoir un droit qu'incombe la preuve de son droit (civ. 1ère, 15 nov. 1989).
Ce principe est repris par l'art. 9 du Code de procédure civile : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
Par ailleurs, l’article 1315 alinéa 2 prévoit que : « réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». Là, on est dans le cas où le demandeur en justice, le créancier, a fait la preuve de l’existence de l’obligation, c'est-à-dire de sa créance contre le débiteur. Or, le débiteur, défendeur à l’action, prétend qu’il n’y a pas d’obligation, car elle a déjà été exécutée par exemple. Il ne lui suffi pas de l’affirmer, il faut qu’il le prouve pour détruire, par cette preuve en sens inverse, la preuve rapportée par le demandeur. Ces 2 alinéas sont complémentaires, si c’est au débiteur qui se sent libre de justifier de l’exécution de son obligation, il appartient d’abord à celui qui réclame l’exécution de l’obligation de prouver son existence (Soc. 12 juin 1981).
Ainsi donc, par exemple, la charge de la preuve de l’existence d’un contrat incombe à celui qui s’en prévaut : Civ. 3ème, 16 juillet 1996 : « il incombe à l’entrepreneur qui réclame paiement du mur qu’il a construit de prouver que la construction lui a été commandée ».
De même, il faudra prouver la nature du contrat. En effet, la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 20 mai 1981, a affirmé que « la preuve de la remise de fonds à une personne ne suffit pas à justifier l’obligation pour celle-ci de restituer la somme qu’elle a reçu ; encore faut-il établir l’existence d’un contrat de prêt ».
Il faut également noter que la charge de la preuve porte non seulement sur l’existence d’un contrat et sa nature, mais également sur son contenu. En effet, un vendeur qui poursuit le paiement du prix devra non seulement prouver la vente, mais également quel a été le prix convenu. Cet exemple a été illustré par un arrêt de la 1ère chambre civile de la cour de cassation en date du 28 mars 1995 : Il incombe à France Telecom de démontrer l’existence et le montant de sa créance.
Un autre exemple : en cas de défaut de paiement, il ne suffit pas que le créancier allègue du non paiement, il doit encore prouver l’engagement d’où résulte la créance (en général, le contrat). Corrélativement, il revient au débiteur de prouver qu’il a effectivement payé s’il prétend être libéré.
Mais cette preuve est parfois difficile à rapporter, notamment quand le créancier n’est tenu que d’une obligation de moyens envers son débiteur. C’est pourquoi, la jurisprudence renverse parfois la charge de la preuve, en se fondant souvent sur l’obligation d’information par exemple, mais je ne m’étendrai pas sur ce sujet ici, étant donnée qu’un autre exposé a été prévu sur ce thème.
Malgré ce texte, il convient de relever que les parties peuvent, par convention, modifier les règles relatives à la charge de la preuve. Par exemple, instituer une présomption de preuve non prévue par la Loi.
Intéressons nous maintenant à cette question en droit des assurances.
II. Le droit des assurances
En droit des assurances, la question est d’autant plus intéressante, qu’elle se pose à toutes les étapes de la vie du contrat et pas uniquement dans les rapports assuré/assureur, puisqu’elle concerne également les tiers victimes ou les autres bénéficiaires de l’assurance.
Cependant, même en droit spécial, il est fait application du droit commun et conformément à l'article 1315, al.1, du Code Civil, c'est en principe, en général, à l'assuré de rapporter la preuve de l'obligation à la charge de son assureur. Elle suppose que l'assuré établisse que le contrat d'assurance garantit le risque qui s'est réalisé, et que les conditions de garantie sont réunies. Dès lors que le bénéficiaire de la garantie apporte cette double preuve, c'est à l'assureur qui entend se dégager, de rapporter la preuve de sa libération, en établissant l'existence d'une exclusion directe ou indirecte de risque (Article 1315, al.2 du Code Civil).
Ainsi, un arrêt de la 1ère chambre civile en date du 13 mai 2003 affirme que « s’il incombe à l’assureur, invoquant une exclusion de garantie, de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion, il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l’assurance d’établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie ».
En général, l'obligation à la charge de l'assureur est une obligation de paiement, la créance de l'assuré étant devenue "certaine" et "exigible" après la réalisation du sinistre.
Mais il peut s'agir également d'une obligation de faire : assistance, Protection Juridique...
Et vice-versa, il peut s’agir d’une demande de l’assureur qui devra apporter la preuve de l’obligation de l’assuré lorsqu’il veut, par exemple, obtenir paiement de la prime.
Je vais donc dans cette partie m’intéresser à 4 points qui m’ont semblé être des points clés : la preuve du paiement de la prime, la preuve de l’existence du contrat, la preuve du contenu du contrat, et enfin, la preuve du droit de créance de la victime, en m’appuyant sur quelques références jurisprudentielles.
• preuve du paiement de la prime
Dans le cas du paiement d’une prime d’assurance par chèque daté avant le jour du sinistre mais encaissé après, la Cour de Cassation considère que c’est à l’assureur qui conteste devoir sa garantie de démontrer que le chèque qu’il a encaissé lui a été remis ou adressé à une date postérieure à celle du sinistre : Civ. 1ère, 22 janvier 2002. Ca paraît logique car dans le cas contraire, l’assureur pourrait encaisser le chèque avec plus ou moins de diligence en fonction de ce qui lui serait favorable.

• preuve du contrat (l’existence du contrat)
Le contrat d'assurance étant un acte juridique, il appartient aux parties d'en rapporter la preuve, conformément à l'Article 1315, al.1 du Code Civil. La charge de la preuve est ici exactement la même que celle évoquée dans ma partie sur le droit commun. Cependant, quelques modalités spécifiques aux contrats d’assurances doivent être précisées ici.

L'Article L.112-2 du Code des Assurances dispose que seule la police ou la note de couverture constate l'engagement réciproque de l'assuré et de l'assureur.

L'Article L.112-3 exige que le contrat d'assurance soit rédigé par écrit, en caractères apparents.
Mais l'assureur est rarement en mesure de délivrer immédiatement un exemplaire de la police sur laquelle les parties ont donné leur accord, et il peut s'écouler plusieurs mois avant que l'assuré entre en possession de celui-ci.

En attendant la conclusion du contrat d'assurances, l'assureur peut remettre à l'assuré une note de couverture, ou note de garantie qui constate l'existence d'une garantie provisoire, pendant une certaine durée.

Elle est constituée de tout écrit, signé par l'assureur ou son représentant, et indiquant les éléments essentiels de l'assurance.

La note de couverture n'est qu'un moyen de preuve provisoire et n'a plus d'objet lorsqu'elle est remplacée par la police.
A noter que la preuve de la remise en vigueur d'un contrat suspendu pour défaut de paiement incombe à l'assuré: un contrat suspendu pour défaut de paiement de la prime reprend ses effets, à midi le lendemain du jour où celle-ci a été payée à l’assureur ou à son mandataire. C’est à l’assuré de prouver que le paiement est antérieur à la veille de l’accident et que le contrat était donc remis en vigueur.

• preuve en matière de sinistre (on s’intéresse ici au contenu du contrat)
Le sinistre est un fait juridique, dont la preuve peut être rapportée par tout moyen. L'assureur ne saurait donc imposer des modalités particulières de preuves (Existence d'effraction en matière de vol...)
Conformément à l'article 9 du Nouveau Code de Procédure et à l’article 1315 du Code Civil, c'est à l'assuré, qui revendique la garantie dudit sinistre, d'en rapporter la preuve, c'est-à-dire celle de la réunion des conditions de garantie. Si l’assureur conteste sa garantie, il devra quant à lui prouver l’exclusion du risque.
- preuve de la réunion des conditions de garantie
L'article 1315, al.1, du Code Civil, dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. C'est donc toujours à l'assuré de rapporter la preuve que le sinistre s'est réalisé dans les conditions de garantie prévues par la police. A défaut de rapporter une telle preuve, la garantie ne sera pas acquise.

C'est ainsi que si un sinistre intervient en temps de guerre, l'assuré devra prouver que l'état de guerre est étranger à celui-ci.

Une condition de garantie peut donc se révéler défavorable à l'assuré, dans la mesure où celui-ci peut se trouver dans l'incapacité pratique de rapporter la preuve (Impossibilité de rapporter la preuve de la mise en fonction d'un système d'alarme d'un camion dérobé sur le territoire étranger.)
- preuve de l’exclusion du risque
Conformément à l'article 1315, al. 1, du Code Civil, c'est à l'assuré, qui réclame l'exécution du contrat d'assurance, de rapporter la preuve que les conditions de fait ouvrant droit à la garantie sont réunies, comme je viens de vous l’exposer.
Conformément à l'alinéa 2 du même article, une fois établi que le sinistre entre bien dans les conditions de garantie du contrat, c'est à l'assureur qui invoque une exclusion de risque de "démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion" pour se prétendre libérer de son obligation de garantie (15 et 22 oct. 1980 CCass) : par exemple, dans l’assurance sur la vie, que le décès de l’assuré est dû à un suicide dans l’année suivant la souscription du contrat.

Il appartient à l'assureur de rapporter la preuve que la clause d'exclusion dont il invoque l'application a été portée à la connaissance de son assuré : Cass. 1re civ., 7 nov. 2000,

• preuve du droit de créance de la victime
Le succès de l'action judiciaire de la victime nécessite qu’elle apporte la double preuve de son droit à réparation contre l'assuré, et de l'existence d'une dette d'indemnité à la charge de l'assureur.
Or, le droit à réparation de la victime constitue, à l'égard de l'assureur, un fait juridique dont la preuve peut être rapportée par tout moyen, et notamment l'aveu de l'assureur. La décision rendue par une juridiction civile condamnant l'assuré en raison de sa responsabilité constitue, pour l'assureur, la réalisation du risque couvert, sauf fraude de l'assuré.
De même, la victime a la possibilité de rapporter la preuve de l'existence du contrat par tout moyen, celui-ci constituant également un fait juridique à son égard, conformément à l'article 9 du NCPC. Elle peut obtenir du juge la condamnation de l'assuré ou de l'assureur, voire d'un tiers, à produire, sous astreinte, une copie du contrat d'assurance.
Quand, dans le cadre d’une assurance de responsabilité, la victime exerce une action directe contre l’assureur, le risque de la preuve pèse sur ce dernier (on parle de risque de la preuve quand on fait référence à la preuve du contenu du contrat, et pas celle de son existence). Cass. Civ. I, 2 Juillet 1991 : « si le bénéfice d’un contrat d’assurance est invoqué, non par l’assuré, mais par la victime du dommage, tiers à ce contrat, c’est à l’assureur qu’il incombe de démontrer, en versant la police aux débats, qu’il ne doit pas sa garantie pour le sinistre, objet du litige ». On constate ainsi que pour l’assurance de responsabilité, l’attribution du risque de la preuve pèse soit sur l’assureur, soit sur l’assuré : sur l’assureur quand la garantie est exigée par la victime dans le cadre d’une action directe, ou sur l’assuré lorsque celui-ci agit contre son assureur.
Il faut enfin noter que lorsque l'existence même du contrat n'est pas contestée par l'assureur du responsable, la garantie est présumée dans tous les cas où l'assureur ne produit pas sa police. Le défaut de production de la police par l'assureur, rend donc inopposable à la victime toute limitation de garantie ou clause d'exclusion que tenterait d'invoquer l'assureur à l'égard du tiers lésé (Cass. Civ. I, 7 Juillet 1998). Cette solution est commandée par l’impossibilité dans laquelle se trouve la victime de disposer de la police.
A noter qu’en matière de responsabilité automobile, la remise par l’assureur d’une attestation d’assurance (rôle également joué par la carte verte) emporte, aussi bien envers l’assuré qu’envers la victime, présomption de l’existence d’un contrat et d’un contenu entraînant la garantie du sinistre à l’occasion duquel elle a été exhibée. En effet, s’agissant d’une assurance obligatoire, son contenu est par hypothèse établi, puisqu’il contient des clauses types qui s’intègrent automatiquement à la police.
Je voudrais pour terminer cet exposé, aborder les quelques dispositions existantes dans le code des assurances relatives à la charge de la preuve.
III. Les dispositions spéciales du Code des Assurances
Le Code des Assurances ne règle aujourd’hui la question de la charge de la preuve qu’à propos des risques très spéciaux que sont la guerre, les émeutes et les mouvements populaires. L’article L121-8 du code des assurances dispose que l’assureur ne répond pas, sauf convention contraire, des dommages dus à une guerre étrangère ou civile, ou à des émeutes et mouvements populaires. Quand ces risques ne sont pas couverts par le contrat d’assurance, ce texte répartit la charge de la preuve en fonction de la nature de l’événement.
L’assuré doit prouver que le sinistre résulte « d’un fait autre que le fait de guerre étrangère ». Quant à l’assureur qui veut refuser sa garantie, il lui appartient de démontrer que le sinistre résulte « de la guerre civile, d’émeutes ou de mouvements populaires ». On peut donc ainsi supposer que les gens qui ont vu certains de leurs biens détruits lors des émeutes de novembre 2005, comme les ont qualifié les médias, se sont vus refuser la garantie de leurs assureurs.
A noter également qu’en matière de suicide, jusqu’à la loi du 7 janvier 1981, l’article L132-7 du Code des Assurances précisait que la preuve du suicide incombait à l’assureur, alors que la preuve de l’inconscience de l’assuré, propre à valider l’assurance, devait être apportée par le bénéficiaire. Cette répartition légale de la charge de la preuve a été supprimée par la loi de 1981.
En définitive, on pourrait distinguer 2 situations, comme l’ont relevé certains auteurs : dans le cadre d’un litige :
• soit la décision du juge est conditionnée par l’accomplissement d’un acte duquel il doit tirer la conséquence prévue par la loi, la preuve pèserait sur celui qui devait accomplir l’acte : il appartient à l’assuré qui veut échapper à une déchéance de garantie, d’établir qu’il a remis la déclaration de sinistre à l’assureur dans les temps ; il appartient à l’assuré qui veut être déchargé du paiement des primes à échoir après aliénation de la chose assurée, de prouver qu’il a informé l’assureur de l’aliénation ; il appartient à l’assuré qui prétend avoir déclaré une aggravation de risque d’en rapporter la preuve ; il appartient à l’assureur qui invoque la suspension de la garantie pour défaut du paiement de la prime de prouver qu’il a envoyé une lettre recommandée de mise en demeure…
• soit l’appréciation du juge porte sur les caractéristiques d’une situation existante, susceptible de produire tel effet de droit, la charge de la preuve de ces caractéristiques pèserait sur celui qui les invoque à son profit : l’assureur qui prétend qu’une déclaration de risque est inexacte doit rapporter la preuve de son inexactitude ; l’assuré n’ayant pu établir avoir adressé la déclaration de sinistre dans le délai, il appartient à l’assureur, qui veut faire jouer la déchéance de garantie, d’établir que le manquement de l’assuré lui a causé un préjudice…
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