Sujet :

THEME V : LA SUBROGATION

Marie
   Posté le 09-04-2007 à 13:04:57   

Le jeu de la subrogation en droit des assurances

Introduction

• Approche générale :

D’une manière générale le terme « subrogation » évoque une idée de remplacement :

- Subrogation réelle : remplacement d’une chose par une autre chose dans un patrimoine.
- Subrogation personnelle : remplacement d’une personne par une autre personne dans un rapport juridique  plus précisément ce remplacement se fait sur la base d’un paiement ( art.1249 C.Civ).

• Approche spéciale :

Appliquée aux assurances ces deux mécanismes fonctionnent ainsi :

- En matière de subrogation réelle : l’indemnité d’assurance prend la place du bien détruit (art. L121-13 C.Ass.)

- En matière de subrogation personnelle : l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé jusqu’à concurrence de cette indemnité dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui ont causé le dommage ( art L121-12 C.Ass. : assurance de dommage ; L172-29 C.Ass. : assurance maritime).

• Approche historique :

 Droit Romain (1)
Le droit romain ne connaît pas la subrogation personnelle mais il en fixe les linéaments (bénéfice de cession d’action, sucessio in locum). Elle s’est développée grâce à la jurisprudence.

[Apport jurisprudentiel : l’action de la jurisprudence a pallié le silence de la loi Publilia et de la loi Appuleia. En effet, en matière de caution, on autorisait le fidéjusseur a se retourner contre le débiteur principal pour obtenir du créancier qu’il le subroge dans ses droits, en lui cédant, après paiement, les actions dont lui-même était titulaire à l’encontre du débiteur. ]

Cette subrogation est conventionnelle, elle deviendra légale dans les législations contemporaines.

 En 1804 :
La subrogation devient légale : 1249 C.Civ. 1250 C.Civ. 1251 C.Civ.
En parallèle dans le domaine des assurances : un usage préexistant et les clauses de cessions de droit servent de fondement à la subrogation des assureurs (on refuse encore aux assureurs l’application des articles du code civil).

Alors que la subrogation est légale en droit commun, elle est conventionnelle et résulte d’un usage en droit des assurances.

 Loi du 13 juillet 1930 :
La subrogation est intégrée dans le droit des assurances. Les assureurs n’ont plus à respecter les formalités de la cession de créance, elle est de droit.

• Plan
Les mécanismes de la subrogation tels qu’il figurent dans les articles L121-12 et L121-13 semblent trop étroits. En assurance, le jeu de la subrogation a fait l’objet d’extensions au cœur de ces deux dispositions (I) au point de s’étendre au-delà et de les remettre en cause (II).
I) L’interprétation extensive de la subrogation au cœur des articles L. 121-12 et L. 121-13 C. ass.

• Sources de la subrogation en assurance

- La subrogation de l’assureur peut être conventionnelle : 1250 C. civ.
- Elle peut aussi être légale.

Dans cette hypothèse :
- soit elle est spéciale et obéit aux dispositions contenues dans les articles L. 121-12 et L. 121-13 C. ass.
- soit elle est générale et obéit aux dispositions contenues de l’article 1251, 3° C. civ.

• Plan
Après avoir étudié les extensions de la subrogation personnelle en droit des assurances, nous analyserons celles qui ont touché la subrogation réelle.

A) La subrogation personnelle de l’article L. 121-12

• Traditionnellement, la subrogation de l’assureur concerne toutes les garanties de nature indemnitaire (Assureur de bien et assureur de responsabilité).

- L’assureur de bien  paie l’assuré-victime  effet translatif  recours contre le responsable
- L’assureur de responsabilité  paie la victime  effet translatif  recours contre un coauteur (autre que l’assuré)

1) Objet et assiette de la subrogation personnelle

• L’objet, c’est l’indemnité d’assurance, l’actif de la subrogation : (3 précisions)

- Il faut un contrat d’assurance (2)

Exemple : CA Colmar 17 janvier 2006 : L’assureur ne peut se prévaloir de la subrogation légale s’il n’était pas juridiquement tenu à garantie.  reste alors à agir sur le fondement de la subrogation conventionnelle

- Le paiement de l’indemnité doit être préalable au recours (quittance)
- L’indemnité versée constitue la limite de la subrogation : « Tout le paiement, rien que le paiement »

Exemple :
- L’assureur paie l’entier dommage  L’assureur est subrogé dans la totalité des droits de l’assuré
- L’assureur n’indemnise pas entièrement l’assuré  L’assureur est subrogé à proportion de son paiement. L’assuré conserve le reste de ces droits.
Il y a concours entre assureur / assuré.
Le recours de l’assuré est prioritaire : « on ne subroge pas contre soi-même »


• L’assiette, c’est le passif de la subrogation : (4 précisions)

- La subrogation doit exister de plein droit contre un « tiers responsable ».

Principe : Le tiers responsable n’a pas la qualité d’assuré et il a causé le dommage.
Extension : On étend le mécanisme de la subrogation à des tiers qui n’ont pas causé directement le dommage.

Exemple :

• Le receleur d’un bien volé peut faire l’objet d’un recours subrogatoire (4)
• L’Etat est responsable des dommages résultant d’un attroupement (5)
• Cass. Civ. 2, 20 Octobre 2005 : une agence immobilière qui omet de vérifier que des locataires ont souscrit l’assurance des risques locatifs

- La dette de responsabilité doit exister (Elle n’existe plus si le paiement a déjà été réalisé ou si l’assureur renonce à son action)

- La dette de responsabilité constitue la limite de la subrogation. Elle est limitée par le quantum de la dette, par les partages de responsabilités, par les clauses exonératoires et limitatives de responsabilité).

- Spécificité du droit des assurances en matière d’intérêt moratoire. Contrairement au droit commun, ils ne courent à compter de la sommation mais à compter de la quittance subrogative. (3)

2) Débats concernant les immunités

• Principe :

Il est possible de prévoir des immunités conventionnelles (clauses de renonciations à recours) mais les immunités légales forment un socle.
L’exception à l’exception : la malveillance des personnes visées

• Fondement :

- moral : les liens entre l’assuré et les personne visées favorisent le pardon
- juridique : avec l’article 1384 al. 1 la victime deviendrait responsable

• Problème 1 : La notion de « foyer » pose problème :

Concernant les personnes physiques, il n’y pas de difficulté. Mais concernant les personnes morales, les problèmes se posent. Peut-on parler de foyer ?

La jurisprudence accepte. Ainsi, un collège ne peut pas se retourner contre les pensionnaires qui ont causé un dommage.

L’accroissement des immunités se concilie à celui de la responsabilité du fait d’autrui. De plus en plus d’institutions ont à répondre des dommages causés à des tiers par des personnes dont elles ont pris la charge et l’organisation.

• Problème 2 : Les règles de la responsabilité civile perturbent le droit des assurances. (6)

A travers l’immunité, l’assuré pardonne  Le pardon nécessite un sacrifie  Ici l’assureur fait les frais de ce sacrifice.

Pour cela, le jeu de la subrogation s’étend encore.

On laisse le jeu du pardon en droit commun.
La subrogation continue en droit des assurances entre l’assureur de la victime et l’assureur du responsable bénéficiant d’une immunité.

B) La subrogation réelle de l’article L. 121-13

• Traditionnellement, la subrogation réelle de l’assureur concerne l’assureur de chose et l’assureur de responsabilité

- L’assureur de chose  au lieu de payer l’assuré-victime  paie le créancier hypothécaire du bien détruit
- L’assureur de responsabilité du locataire ou du voisin  au lieu de payer l’assuré  paie le créancier hypothécaire du bien détruit
1) Mécanisme de la subrogation réelle (4 précisions)
• Les formalités de publicité doivent être respectées
• L’assureur doit connaître l’existence de cette sûreté (publicité + opposition avant le paiement)
• Le créancier a des droits
Exemple :
Mesures conservatoires (paiement de primes, opposition préventive, avenant hypothécaire), action directe contre l’assureur, délai de prescription de 30 ans (au lieu de 2 ans)

• Les droits du créancier ont des limites

- Le créancier reçoit des indemnités dans la limite de sa propre créance
- La créance doit être certaine, liquide et exigible
- L’assureur est tenu envers le créancier dans la limite de ce qu’il doit à l’assuré

Exemple : La subrogation réelle est possible si l’assureur couvre le fond ou un élément du fonds. S’il assure le risque de perte d’exploitation, la subrogation réelle n’est pas possible. (7)
1) Extension et débats relatifs à la subrogation réelle

• Emergence du concept de subrogation réelle anticipée (8)

En matière de régimes matrimoniaux, l’époux ne peut pas résilier sans le consentement de son conjoint le contrat d’assurance garantissant le logement familial.

On admet une espèce de subrogation réelle anticipée en retenant l’idée que l’indemnité d’assurance étant censée représenter, en cas de destruction, le logement lui-même, tout acte qui porte sur les conditions du contrat est un acte de disposition.

Le jeu de la subrogation réelle emporte des conséquences au-delà de la lettre de l’article L. 121-13 C. ass.

• Débats sur la simple faculté offerte au créancier hypothécaire (9)

Trop de sûreté tue la sûreté. La doctrine s’interroge sur le fait que la subrogation réelle du créancier hypothécaire soit une simple faculté. En effet, le non-exercice de cette faculté n’est fautif que si le créancier s’était engagé auparavant envers la caution par une promesse formelle l’engageant à exercer la subrogation réelle.




II) Extension de la subrogation au-delà des articles L. 121-12 et 121-13 C. ass.

A) La multiplication des garanties particulières
1) Le recours subrogatoire de l’assureur de personne contenu à l’article L.131-1 C. ass.


• Principe : Dans l’assurance de personne, la subrogation de l’assureur n’est pas possible. (10)

• Exception ajoutée par la loi du 16 juillet 1992: Lorsque la prestation de l’assureur a un caractère indemnitaire, la subrogation est possible. Elle n’est pas de droit, elle est donc conventionnelle.

• prestation indemnitaire / prestation forfaitaire

- La première est calquée sur le dommage et attribuée sous forme d’avance sur recours  subrogation possible

Exemple : assurance contre les accidents corporels, assurance contre la maladie
- La seconde est calculée en fonction d’éléments prédéterminés par les parties indépendamment du préjudice subi  pas de subrogation


• Extension : 2 mars 1970 et 15 déc. 1998 : (11, 12)

- 1970 : La subrogation ne peut être refusée que sous prétexte qu’il s’agit d’une assurance de personne (remboursement de médicament)
- 1998 : Le calcul de la prestation d’assurance en fonction d’éléments prédéterminés n’est plus un obstacle pour caractériser la prestation comme étant de nature indemnitaire. (Inspiré de l’assurance de dommage qui est indemnitaire et qui a pourtant des modes de calcul prédéterminés)

Devant cette confusion, l’assureur est amené à prévoir contractuellement la réparation des dommages. Son contrat étant un contrat d’adhésion. Il peut limiter la réparation tout en se réservant l’exercice d’un recours subrogatoire.
2) Panorama de la subrogation dans les garanties particulières

Le mécanisme de la subrogation s’est rependu dans l’ensemble du droit des assurances : (13)

- Recours du tiers payeurs contre le responsable (art. 33 L. 5 juillet 1985 : le texte harmonise les recours subrogatoire de la cohorte envahissante des payeurs divers.)
- Art. 29 de la même loi : Recours subrogatoire admis pour l’assureur qui fait une « avance sur recours » pour les accidents de la circulation
- Subrogation de la COFACE en matière d’assurance crédit international et de l’assurance crédit interne
- Subrogation des fonds d’indemnisation (CIVI, FGAO, des victimes contaminées par le virus du SIDA)



B) Bilan du jeu de la subrogation la subrogation en droit des assurances
1) Consolidation du jeu de la subrogation conventionnelle
La subrogation personnelle est une faculté, l’assureur peut y renoncer, mais il ne peut pas se soustraire à ses limitations

L’article L. 121-12 C. ass. est remis en cause par des mécanisme plus souples :

- Clause de cession de droit (1690 C. civ.)
- La jurisprudence fait bénéficier les assureurs des avantages de la subrogation légale générale (art. 1251-3° C. civ.) : plus besoin d’une concomitance entre le paiement et la subrogation
- Arrêt du 9 décembre 1997 : la subrogation légale institué par les dispositions de l’article L. 121-12 n’exclut pas l’éventualité d’une subrogation conventionnelle (14)

La subrogation est fort souvent utilisée alors même qu’une subrogation est réalisée de plein droit en vertu de L. 121-12 et 1251-3° du fait de l’incertitude qui imprègnent les contours exacts des champs d’application de ces textes.

1) Leçon pour une remise en cause globale de la subrogation

 Le modèle de l’assurance met en lumière le double caractère de la subrogation

Comme le soulignait Jean Carbonier : (15)

Il y a dans la subrogation deux aspects de prime abord contradictoires : elle est à la fois modalité de paiement et cession de rcréance.

 L’avant-projet Catala en tire des enseignements (16)

Actuellement, dans le code civil, la subrogation appartient à la section relative au payement. Cette situation n’est pas en accord avec la double dimension de ce mécanisme.

Au sein de l’avant-projet Catala, elle est devenue un mécanisme de transmission des créances. Elle se situe dans un chapitre réservé à l’ensemble des opérations sur créance.

Conclusion
Comme le constatait Y. Lambert –Faivre (17), nous assistons à travers le développement du mécanisme de la subrogation à une altération perverse des notions les plus simples et les plus claires de la responsabilité civile.

On assiste à une dérive de la responsabilité civile dans lequel l’intrusion d’institutions collectives diverses notamment les caisses de sécurité sociale et les assureurs sont devenues respectivement victime et responsable.

Et si c’était par la fin que tout commençait….

Cette dérive est encore plus visible en matière d’action directe. L’assureur de responsabilité est ainsi plus sévèrement tenu envers la victime qu’envers son propre assuré. L’assureur garantit d’avantage la créance d’indemnisation de la victime que la dette de responsabilité de l’assuré.

Je passe donc le relais à Aurélie pour vous présenter l’action directe en droit des assurances.